Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Guillaume (Jacquette) 17ème siècle

 Jacquette Guillaume

17ème siècle

 

On doit à Jacquette Guillaume:

"Les Dames illustres, où par bonnes et fortes raisons il se prouve que le sexe féminin sur passe en toutes sortes de genres le sexe masculin",

Paris, 1665, in-12.

(Dictionnaire de Fortunée Briquet)

 

 Je proposerai bientôt des enregistrements audios d'extraits plus longs et plus conséquents que ceux qui suivent. C'est la seule manière de donner une idée de la réthorique baroque et finalement très orale qui sous-tend ce type de texte.

 

 

Jaquette Guillaume (17-18ème): "Les Dames illustres,où par bonnes et fortes raisons il se prouve que le sexe féminin surpasse en toutes sortes de genres le sexe masculin". Ouvrage en prose et en vers où l'auteure fait un éloge passionné de la Trinité et développe  une défense du sexe féminin jugée  outrancière par Fortunée Briquet . Cherchez l'erreur!

 

  Difficile d'apprécier à sa juste valeur le livre très étrange (en prose et en vers) de Jacquette Guillaume. Les dehors théologiques, moralisateurs et bienpensants de l'oeuvre("La femme est faite pour l'homme...etc") cachent des propos des propos audacieux au point que Fortunée Briquet juge qu'elle est "une des femmes qui ont porté trop loin l'amour de leur sexe". Le raccourci des arguments devaient dérouter les lecteurs de l'époque: ainsi, pour Jacquette Guillaume, si la femme a été créée pour être utile à l'homme, pour l'aider, c'est que ce dernier est un être immature, peu autonome et de toute manière, celui (celle) qui aide est forcément supérieur(e) à celui qui est aidé. Ou encore, Dieu a créé le monde en suivant un ordre ascendant qui va du plus grossier (la terre, le, ciel...) vers un sommet de perfection, la femme. L'homme n'est qu'une étape intermédiaire...

   A l'évidence, la lecture de cet ouvrage permettrait d'aider maints prédicateurs à renouveler   la matière de leurs sermons!

 


Chapitre Premier

 

Que les Dames Illustres surpassent les hommes en tout ce qui est louable; et même que de tout ce qui est créé, les féminins sont les plus nobles et les plus utiles.

 

   Pour avouer la proposition par l'aquelle j'avance, que les Dames Illustres surpassent les hommes en tout ce qui est louable, il suffit de considérer que les ouvrages les plus merveilleux que Dieu a fait ici-bas, ont toujours été exécutés par des femmes, et qu'il a voulu que la vie et les actions héroïques de plusieurs Dames fussent marquées par le Saint Esprit même, et enregistrées avec les autres Livres de l'Ecriture Sainte, afin que leur mémoire et leur louange durassent autant que le monde. Il en a choisi une de cette troupe pour être sa Mère, sa Fille, et son Epouse tout ensemble. Les mérites de cette Vierge Mère doivent suffire pour fortifier mon parti, et pour ôter tout sujet de répliques, même les plus opiniâtres de nos adversaires, puisqu'elle seule vaut, sans comparaison, plus que tous les hommes ensemble. Je ne crois pas que quelqu'un ôse contredire cette vérité, sans vouloir en même temps ignorer qu'elle seule par un titre tout particulier a  l'avantage sur toutes les créatures d'être Fille, Mère et Epouse de son Dieu, et que le Saint Esprit parlant à cette épouse incomparable, lui a voulu rendre ce témoignage, en lui disant:

"Vous êtes toute belle, m'amie, et il n'y a point de tache en vous";

enfermant par ce peu de mots tout ce qu'on peut imaginer de beau, de bon, de miraculeux, et d'admirable...

 


(A propos de la mort de la Vierge)

....

 

Qui pourrait raconter les grandeurs non pareilles,

Les plaisirs, les odeurs, et les chants gracieux,

Les beautés, les splendeurs, les brillants, les merveilles

Du Triomphe divin de la Reine des Cieux.

 

Que d'éclairs, que d'éclats, que de feux de liesse!

Que d'enseignes, guidons, oriflammes, étendards,

De trompettes, clairons, et de cris d'allégresse!

Que de beaux escadrons d'Esprits de toutes parts!

 

Si St Jean tressaillit au ventre de sa Mère

Auprès de son Sauveur non encore enfanté,

Que fait-il en voyant ce triomphant mystère

de la Mère et du Fils, en telle Majesté?

 

....

 (p. 3 et 4)


 

Le Créateur voulut se tirer en petit volume...

   Il est remarqué dans la genèse que Dieu ayant créé l'homme ne dit rien, mais qu'ayant  créé la femme il dit: "Voilà qui est bien", pour nous apprendre que dès le premier moment de sa création elle fut agréable à son Créateur. Ne vous en étonnez pas, ce divin ouvrier la forma pour être les délices mêmes du Paradis terrestre, voulant raccourcir toute l'étendue de ses merveilles dans ce microcosme, et se tirer lui-même en petit volume, après s'être tiré en grand, dans le reste de l'Univers. Il donna à son corps la taille et la beauté, que la flatterie des Poètes attribue aux Déesses; son entendement étant éclairé des plus hautes lumières proposait le vrai bien à la volonté, qui brûlait d'une sainte ardeur de le posséder... (p. 9)

 


La richesse des Féminins

 

  Mais bien plus encore, que tout ce que je viens de dire pour la gloire de notre sexe, le Dieu de la sagesse infinie veut qu'à la réserve de son nom, tout ce qui est en lui soit de ce noble genre. En la Sainte Trinité n'y voyez-vous pas la fécondité et la paternité de la première persone; la génération éternelle, et la filiation de la seconde; la spiration et la procession de la trisième, et en ce Dieu en trois personnes son essence, sa Divinité, sa préscience, son immensité, et ainsi de tous les autres attibuts? Pour le prier avec plus de soumission et dhumilité, nous implorons sa bonté, sa toute puissance, et sa miséricorde. Nous ne saurions aussi honorer davantage les plus grands Monarques et les autres Puissances de la terre, qu'en leur parlant en féminin. Pour parler au Pape avec plus de respect, nous lui donnons de la Sainteté, aux cardinaux de l'Eminence, et autres Prélats de la Grandeur, aux Empereurs et aux Rois de la Majesté, aux Ducs souverains de l'Altesse, aux autres Princes de l'Excellence, et aux Gentilshommes de la Seigneurie. En un mot nous ne saurions parler des choses qui nous sont les plus avantageuses et les plus utiles, tant au Ciel, en la Mer, qu'en la Terre, qu'avec des termes de ce genre. Si nous considérons le Ciel, pour un Soleil que nous y verrons seul, nous y verrons la Lune accompagnée d'un nombre infini d'Etoiles, que les cabalistes réduisent à mille vingt-deux, et qu'ils nomment toutes, et encore ce Soleil ne tire sa gloire que des féminins: car qu'est-ce qui le rend recommandable, si ce n'est sa beauté, sa lumière et sa chaleur, qui est cause de toutes les belles productions?...

 

   Enfin, chacun est d'accord que l'âme est la maîtresse du corps, et chacun doit aussi accorder que si Dieu ôtait du monde tous les féminins, il en ôterait tout ce qu'il y a de plus précieux et de plus admirable.

(PDF, p. 18)

 

A suivre: PDF p. 25


(Contre le médisant qui dit du mal des femmes et par là-même de sa mère)

   Tous ceux qui ont entrepris de blâmer les femmes ont toujours passé non seulement pour lâches, mais pour ignorants, et pour ingrats, avec justice, puisqu'ils ne font pas (seulement) exception de leurs mères...

 

Je ne laisserai pas de mettre ici quelques vers en sa (leur) considération, quoiqu'il n'en vaille pas la peine.

 

Homme ingrat et audacieux,

Tu fais un mépris de ta mère,

N'as-tu point peur que les Cieux

Ne lâchent sur toi leur colère?

 

Si ta mère fait quelque mal,

Ce qui la rend plus criminelle,

C'est d'avoir fait un animal

Qui contre elle après se rebelle,

 

Hypolite est par toi chanté,

Fuyant l'amour et ses caresses:

Nous avons de notre côté

Pour lui un million de Lucrèces.

 

Je pourrais bien dire encore ce qu'une Dame dit un jour à un homme qui ressemblait à celui dont je parle.

 

Rien n'est si peu sage que l'homme,

Noé fit le fol en buvant,

Adam en mangeant de la pomme,

Et toi, ingrat, en médisant.

 


 


 

Que ceux qui se sont efforcés de rabaisser le mérite des Dames Scavantes n'y ont gagné que le titre de médisants et d'envieux

 

   Les ennemis de nos Dames disent qu'eles n'apprennent pas pour savoir, ou pour bien faire, mais seulement pour se faire admirer et pour ravir les compagnies par la langue, aussi bien que par leurs attraits. Voyez, je vous prie, comme ils sont contraints de confesser que les beaux sujets de leurs médisances, les ravissent. Ils ajoutent qu'il vaudrait mieux qu'elles fussent chastes et ignorantes, que d'être savantes et impudiques.

   Voilà une impertinente conséquence, de croire que les sciences fassent les impudiques: au contraire, je dis que c'est l'ignorance et non pas le savoir qui fait les coquettes: car s'il n'y avait point de sort, il n'ya aurait point de filles perdues. Aussi la suffisance n'a garde d'être un ornement superflu aux filles, puisqu'elle leur est absolument nécessaire. Ne voyons-nous pas qu'une belle fille sans lubricité est presque toujours notée d'infamie? Aussi une fille doit être bien avisée pour ne point offenser la bienséance, parce que la civilité et la pudeur ne se trouvent jamais sans une science parfaite des choses du monde. Il y a beaucoup de personnes insupportables, parce qu'il y en a beaucoup de mal instruites. Après tout, ce n'est pas une chose fort agréable qu'une belle bête. N'y a -t-il pas bien plus de satisfaction à considérer une belle fille qui a une excellente intelligence, et une parfaite justesse, même dans son apparence, et dont les gestes ne peuvent être que très agréables, étant faits avec adresse? que si la maison ne répond pas au frontispice, que peut-on dire sinon que la nature a bâti une belle demeure, pour y loger une bête agréable.

 


 

Les femmes philosophes?

 

    Après avoir vu le dérèglement des actions des hommes qui ont voulu passer pour les plus grands génies du monde, ne pouvons-nous pas croire sans nous tromper qu'ils n'étaient pas philosophes, puisque leurs actions démentent leurs paroles?

 


Epigramme

Pour Mademoiselle de Scurman

 

Que vainement Rome publie

Les miracles de Cornélie,

Qui de son sexe fut la fleur:

Et qu'à tort la Grèce se vante

De Sapho la belle savante

Qui dans l'art d'Apollon

S'est acquis tant d'honneur.

 

Illustres filles de parnasse,

Il faut que vous cédiez la place

A ce nouvel Astre d'Utrec:

Vous n'avez parlé qu'un langage,

Mais Anne très docte et très sage

Parle hébreu, et Latin, et Grec

 

Il existe plusieurs autres poèmes en l'honneur de mademoiselle de Scurman

 


La gloire de l'or

 

Quelque laide qu'on soit, avec des diamants,

De l'or et de l'argent on trouve des Amants.

Une petite naine, une morne ou camuse,

Un visage de singe, une vieille méduse

Avec son nez tout plat et son oeil chassieux,

Tourment des autres nez, comme des autres yeux,

Avec son poil de Vache, avec sa forte haleine,

Quand on la couvre d'or pass pour une Hélène;

Et bien qu'en chaque membre à son corps attaché

La nature marâtre ait fait plus d'un péché,

Il n'y saurait avoir de si vilaines taches,

Ni de si grands défauts, qu'un voile d'or ne cache:

Et la plus contrefaite, en se faisant dorer,

Se pêut faire servir, se peut faire adorer;

L'ébène de ses dents sera pleine de charmes;

Pour son front tout ridé l'on versera des larmes

Son cuir à faire crible et son teint de corbeau,

Feront honte aux rayons du céleste flambeau:

Ainsi la couleur d'or a bien plus d'avantage,

Que tout le vermillon qu'on met sur le visage,

Jamais n'aurait fini qui voudrait raconter

Mille autres qualités dont l'or peut se vanter;

On ne le sait que trop, la chose est assurée,

Ce serait un discours de trop longue durée.

 

 

 

 


 PDF page 303: Section consacrée aux Dames Françaises recommandables pour leur éminent savoir

 

 

 




19/11/2011
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 165 autres membres