Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Guillaume (Jaquette) : Les Dames illustres, 1665

Jaquette Guillaume

Les Dames illustres,

ou par bonnes et fortes raisons, que le Sexe Féminin surpasse en toute sorte de genres le Sexe Masculin

 

1665  DOIGT 26.jpg

 

(Marie désirant de...)

 

Marie désirant de revoir sa lumière,

Son Seigneur et son Fils en sa sainte maison,

Humblement à genoux fit sa douce prière,

Et son Fils exauça bientôt son Oraison.

 

Gabriel lui porta la palme de victoire

En y venant annoncer l'heure de son trépas.

par cet Ange elle apprit  qu'elle allait voir la gloire

D'un Dieu qu'elle avait vu si souffrant ici-bas.

 

On vit de tous côtés arriver les Apôtres

Afin de recevoir sa bénédiction ;

Mais Saint Thomas plus tard arrivé que les autres,

Fut cause que l'on sut sa résurrection.

 

Qui pourrait raconter les grandeurs non pareilles,

Les plaisirs, les odeurs, et les chants gracieux,

Les beautés, les splendeurs, les brillants, les merveilles

Du triomphe divin de la reine des Cieux

 

Que d'éclairs, que d'éclats, que de feux de liesse !

Que d'enseignes, guidons, oriflammes, étendards,

De trompettes, clairons, et de cris d'allégresse !

Que de beaux escadrons d'Esprits de toutes parts !

 

Si Saint Jean tressaillit au ventre de sa Mère

Auprès de son Sauveur non encore enfanté,

Que fait-il en voyant ce triomphant mystère

De la Mère et du Fils, en telle Majesté ?

 

Si Saint Paul vivant fut ravi en extase,

Et si on est ravi en lisant ses écrits,

O ! qu'est-ce donc de voir du Verbe l'hypostase

Et cette Vierge en gloire, et tant d'heureux esprits ?

 

Si l'on voyait toujours la Sainte Madeleine

Aux pieds de son Sauveur en son humanité,

Que fait-elle en voyant dans la Cour souveraine

Tant de flammes d'amour et de divinité ?

 

Si la Vierge conçut tant de réjouissances

En concevant ça-bas ce grand Verbe Sauveur,

Que fait-elle en voyant tant de magnificences ?

Elle est assurément toute pleine d'ardeur.

 

 

(Homme ingrat...)

 

Homme ingrat et audacieux,

Tu fais un mépris de ta mère,

N'as-tu point peur que les Cieux

Ne lâchent sur toi leur colère ?

 

Si ta mère fait quelque mal,

Ce qui la rend plus criminelle,

C'est d'avoir fait un animal

Qui contre elle après se rebelle,

 

Hypolite est par toi chanté,

Fuyant l'amour et les caresses,

Nous aurons de notre côté

Pour lui un million de Lucrèces.

 

 

 

(Cette Reine...)

P. 49

 

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Cette Reine aima mieux son mari qu'elle-même,

Car pour finir son mal, elle avança le sien,

Son amour fut sans bornes en ce remède extrême,

Il faut aimer beaucoup, ou n'aimer du tout rien.

 

Voyant mourir en lui et son coeur et sa flamme,

Elle n'eut point d'envie de survivre à son coeur.

Le mari eut de l'heur en une telle femme,

Mais en un tel mari la femme eut du malheur,

 

Comme ils furent conjoints au bien et à la joie,

Elle fut seule admise au mal et à l'ennui :

Le chemin fut égal,mais diverse la voie,

Son mari vit par elle, elle mourut pour lui.

 

 

 

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 Cantique

A l'honneur de la Nativité de l'Enfant Jésus

 

Etre engendré d'un Père et d'une Mère,

Il est commun à l'homme qui est né ;

Mais être né d'une mère sans père,

Il n'appartient qu'au seul Verbe incarné.

 

Faire en naissant un mal qui trop dure,

Il est commun à notre humanité ;

Mais sans douleur naître de Vierge pure,

Il n'appartient, JESUS, qu'à ta bonté.

 

Voir un Dauphin en un lieu honorable

Il est commun aux Princes glorieux ;

Mais étant Roi et naître en une étable,

Il n'appartient qu'au Monarque des Cieux.

 

Voir naître un Prince et en faire des fêtes,

Cela se voit assez communément ;

Mais voir un Dieu couché entre deux bêtes,

C'est un sujet de grand étonnement.

 

Ce ne sont pas des merveilles étranges

De voir louer son Roi rn un bon lieu,

Mais naissant pauvre être loué des Anges,

En vérité n'appartient qu'à Dieu.

 

Voir des Seigneurs faire au Roi leurs hommages,

C'est chose juste et conforme à nos lois ;

Mais cet Enfant adoré par trois Mages

Montre en effet qu'il est le Roi des Rois.

 

Quand un grand Roi se hasarde à la brèche,

Il s'humilie et montre sa bonté ;

Mais quand un Dieu est couché dans la crèche,

C'est un miroir d'étrange humilité.

 

Quand Dieu créa le Ciel, la Terre et l'onde,

Ce fut, sans doute, un immense bienfait ;

Mais quand il prit la chair du petit monde,

Ce fut alors un chef d'oeuvre parfait.

 

Quand il créa notre nature humaine,

Il montra bien qu'il était tout puissant ;

Mais il fit voir sa grandeur souveraine

Encore plus en la terre naissant.

 

Lui qui soutient le globe de la terre

Avec un doigt dans son trône étoilé ;

C'est lui pourtant qu'un petit corps enserre,

Et qu'un manteau de la chair a voilé.

 

Marie voyant cette grâce enfantine,

Quels doux propos et quels remerciements

Faisait alors cette Vierge divine

En ses extases et ses ravissements ?

 

En repassant souvent en sa mémoire

Ce grand message et sa conception,

De ces neuf mois tout le cours et l'Histoire,

Combien avait son coeur d'affection ?

 

Quelles splendeurs et célestes lumières !

Quels doux pensers et la nuit et le jour !

Quels sentiments et joies toutes entières !

Quels doux soupirs produisait son amour !

 

 

Cantique 

A la louange du saint amour de Madeleine

 

Vous qui pipez par finesses mondaines

Et adorez la beauté de vos corps,

Venez tous voir la sainte Madeleine,

En qui les sens et les plaisirs sont morts.

 

Son corps commande à sa bouche d'écrire

Avec ses pleurs, sur ses beaux pieds lavés,

Vous savez tout, ô mon Dieu ! sans le dire,

Pardonnez-moi les maux que vous savez.

 

Ses chauds soupirs lui disaient davantage,

Je me prosterne à vos pieds à genoux,

Vous pouvez tout, mon Dieu, faites-moi sage,

Et jamais plus je n'aimerai que vous.

 

Je ne veux plus ouïr d'autre parole,

Je ne veux plus aimer d'autre beauté,

Je ne vois rien ici qui me console,

Que mon Sauveur et sa Divinité.

 

Si jamais plus autre que Dieu j'adore,

Ma langue soit collée à mon palais,

Si jamais plus autre que lui j'honore,

Que mes yeux soient aveuglés pour jamais.

 

Le feu Divin, qui ne fait que de naître,

Des feux mondains a surmonté l'effort,

Vous êtes seul, mon Seigneur et mon Maître,

Seul je vous veux aimer jusqu'à la mort.

 

Que dis-je mort ? votre flamme immortelle

N'est point sujette à la mortalité,

Et puisque j'aime une cause éternelle,

Je l'aimerai en toute éternité.

 

 

P. 197 (210)

(L'instruction des Dames)

   Les ennemis de nos Dames disent qu'elles n'apprennent pas pour savoir, ou pour bien faire, mais seulement pour se faire admirer et pour ravir les compagnies par la langue, aussi bien que par leurs attraits. Voyez, je vous prie, comme ils sont contraints de confesser que les beau sujets de leurs médisances les ravissent. Ils ajoutent qu'il vaudrait mieux qu'elle fussent chastes et ignorantes, que d'être savantes et impudiques.

   Voilà une impertinente conséquence, de croire que les sciences fassent les impudiques : au contraire, je dis que c'est l'ignorance et non pas le savoir qui fait les coquettes : car s'il n'y avait pas besoin de sots, il n'y aurait point de filles perdues. Aussi la suffisance n'a garde d'être un ornement superflu aux filles puisqu'elle leur est absolument nécessaire. Ne voyons-nous pas qu'une belle fille sans lubricité est presque toujours notée d'infamie ? Aussi une fille doit être bien attifée pour ne point offenser la bienséance, parce que la civilité et la pudeur ne se trouvent jamais sans une science parfaite des choses du monde. Il y a beaucoup de personnes insupportables, parce qu'il y en a beaucoup de mal instruites. Après tout, ce n'est pas une chose fort agréable qu'une belle bête. N'y a-t-il pas bien plus de satisfaction à considérer une belle fille qui a une excellente intelligence et une parfaite justesse, même dans son apparence et dont les gestes ne peuvent être que très agréables, étant faits avec adresse ? Que si la maison ne répond pas au frontispice, que peut-on dire sinon que la nature a bâti une belle demeure pour y loger une bête agréable ?

 

La faiblesse d"Eve ? (p. 202/215)

 

Ces ambitieux (les savants) disent que l'esprit de l'homme est fort, et que celui de la femme est faible; mais ils ne prennent pas garde qu'eux-mêmes détruisent leur proposition en parlant d'Eve qui paraissait ici plus forte que l'homme puisqu'il a fallu un Diable pour la faire pécher et qu'il a fallu qu'un femme pour faire pécher Adam. Lorsque les savants disent que notre sexe est faible, ils entendent parler du corps, et non de l'esprit, mais les ignorants prennent tout à rebours.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



15/01/2015
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