Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Guillet (Jeanne) Début 20ème siècle

Jeanne Guillet

(Début 20ème siècle)

 

Qui connaît cette attachante poétesse dont il ne reste, semble-t-il, que peu de traces?

 

Voir cependant  le "Mercure de France"  de juin 1917, qui publie cet ensemble de 5 poèmes dédiés aux morts de la guerre .

 


 

Offrande

 1 -


Mes soeurs, voici le soir, laissons là nos fuseaux.

Le soleil, comme un roi détrôné qui s'exile,

abandonne sa pourpre aux robes d'or des îles

et quitte lentement la terrasse des eaux.

 

Dans les vergers emplis de ramages d'oiseaux,

pour cueillir l'oranger et la neige fragile

des cerisiers, aux troncs lisses, les plus agiles,

montez. Et vous, coupez des joncs et des roseaux.

 

Puis, tandis que nos doigts tresseront des corbeilles,

dévastez les jardins que le printemps fleurit;

qu'au retour du soleil, les divines abeilles

 

se demandent quel vent automnal a flétri

les fleurs au doux nectar, les fleurs énamourées

des baisers apportés par leurs ailes dorées.

 

2 -

 

Des fleurs, des fleurs, 

toutes les fleurs écloses,

mes soeurs,

cueillez les roses,

les jasmins, les violettes, cueillez

la verveine et l'oeillet,

et le genêts des collines.

Cueillez les grappes opalines

des robiniers et des glycines,

et ces papillons violets

qui décorent de chapelets

fleuris les murs de nos villas;

n'oubliez pas

le fenouille bavard et la sauge triste,

et, dans le bois, le ciste,

dont le parfum persiste

au coeur, comme un regret...

Cueillez la grâce virginale

et les mille chansons coquettes du muguet,

l'émail glacé des pétales

du bégonia,

et le vertige exquis des fleurs de magnolia.

Cueillez ces daturas de sommeil et de rêve,

ces calices profonds où les insectes bleus

s'en vont mourir au soir de leurs courses trop brêves

dans un dernier frisson voluptueux.

......................................

Comme une lame d'acier fin,

la lune s'incruste dans l'écrin

de ciel mat,

et sa lumière tisse

des mousselines d'incarnat

aux calices,

puis s'accoche

en guirlandes de soie floche

au brouillard d'or des mimosas.

 

Oh! les belles, les souples branches!

qu'alourdissent des pierreries

irréelles, joyaux de féerie,

cascades de gemmes glauques,

croulant en avalanches

calmes, longues palmes

où passe, par instant,

la voix rauque

du vent.

 

Hâtez-vous, hâtez-vous, mes soeurs!

Que s'entassent,

des jardins aux terrasses,

vos fleurs!

Fleurs épanouis,

au vent du soir évanouies,

calices à demi fanés,

et boutons nouveau-nés,

des fleurs, des fleurs, des fleurs!

 

 

4 -


Soldats, héros, à vous, cette moisson d'Avril,

à vous, ô morts bénis, ces vierges aubépines,

la gloire des corolles et l'or des étamines

et le pollen fécond tombant sur les pistils!

 

A vous, mes préférés, puisqu'en double péril,

tous ceux qu'un sort cruel et glorieux destine

à réveiller un jour l'écho de Salamine,

et qui mourrez deux fois, sur la terre d'exil,

 

de n'espérer jamais que sur vos mausolées

viendront pleurer, un jour, vos épouses voilées,

et rafraîchir le sol aride où vous dormez.

 

A vous, humbles martyrs, ravagés par la fièvre,

à vous qui, nuit et jour, vous penchez sur leurs lèvres:

Je vous offre ces fleurs, mes frères bien-aimés.

 

5-



29/08/2012
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