Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Guillet (Pernette du) ... ... ... 1520-1545

Pernette du Guillet

(1520-1545)

 

Socard.fr: Les poèmes de Pernette du Guillet

Rymes de gentile et vertueuse dame Pernette du Guillet, imprimées quelques mois après sa mort, à Lyon, en 1545.

 

Antoine du Moulin, sollicité par le mari pour éditer des manuscrits de Pernette du Guillet parle avec émotion, dans la Préface des "Rymes...", de ce "petit amas de rymes que cette muse avait laissé pour témoignage de la dextérité de son divin esprit..., et qui furent trovées parmi ses brouillards (brouillons) en assez poure (pauvre) ordre...".

(Voir le PDF de Gallica, sur ce blog)

 

Italien, espagnol, grec et latin,

Luth et épinette

 



 R

 


 

 


 

Du Triomphe des Muses contre Amour:

complainte d'une demoiselle

 

J'ai peur d'être dédit,

Ou n'avoir le crédit,

O Muses gracieuses,

De pouvoir répéter,

Et ici réciter

Vos forces vertueuses.

 

Or l'essai j'en ferai,

Et point ne cesserai

De publier, et dire

Le merveilleux débat

D'Amour, et le combat

Contre vous et son ire.

 

Mais par vous fut dompté,

Et du tout surmonté,

N'ayant plus de puissance

Hélas! Qu'il fut dépit

Ce Dieu faible et petit,

De voir son impuissance.

 

Lui qui par ses efforts,

A vaincu les plus forts,

Il est vaincu des Dames:

Et par elles repris,

Lié, mené, et pris,

Et souffre grands diffames.

 

Je l'ai vu promener

Par la ville, et mener

Ayant au cou la corde:

Etant ainsi captif

Cupido déceptif

Criait miséricorde.

 

Amour outrecuidé

Qui eût jamais cuidé

Qu'eusses contre les Muses

Onques voulu penser,

De guerre commencer,

Vu qu'on connaît tes ruses.

 

Craignais-tu point, hélas!

De tomber dans les lacz

De Pallas la Déesse?

Savais-tu pas combien

Etait grand son lien,

Sa force, et sa prouesse?

 

Savais-tu point aussi,

(Enfant sans nul souci)

Qu'Erato ma voisine

Avait devant les yeux

Honneur, qui vaut trop mieux

Que toi, ni ta doctrine?

 

Somme: Craignais-tu point

D'irriter en ce point

Les Muses tant exquises?

Tu pouvais bien savoir

Que tu n'avais pouvoir

Contre leurs entreprises.

 

Or toutes t'ont laissé

Navré, captif, blessé,

Et sans force, et sans gloire;

Amour, va te cacher,

Tu ne dois plus tâcher

D'avoir d'elles victoire...

 

T. D. M. 35

 


 

Elégie (extrait)

 

Combien de fois ai-je en moi souhaité

Me rencontrer à la chaleur d'été

Tout au plus près de la claire fontaine

Où mon désir avec cil (celui) se promène

Qui exercite en sa philosophie

Son gent esprit duquel tant je me fie

Que ne craindrais, sans aucune maignie (escorte)

De me trouver seule en sa compagnie,

Que dis-je: seule? Mais bien accompagnée

D'honnêteté que vertu a gagnée

A Apollon, Muses et NYmphes maintes,

Ne s'adonnant qu'à toutes oeuvres saintes.

   Là, quand j'aurais bien au long vu son cours,

Je le lairrais faire à part ses dicours;

Puis peu à peu de lui m'écarterais

Et toute nue en l'eau me jetterais;

Mais je voudrais alors aussi avoir

Mon petit luth accordé au devoir

Duquel ayant connu et pris le son,

J'entonnerais sur lui une chanson

Pour un peu voir quels gestes il tiendroit.

Mais si vers moi il s'en venait tout droit,

Je le lairrais hardiment approcher;

Et s'il voulait, tant soit peu, me toucher,

Lui jetterais pour le moins ma main pleine

De la pure eau de la claire fontaine,

Lui jetant droit aux yeux ou à la face...

 

Rymes, 1545 (d'après Jeanine Moulin)

 

A suivre



22/01/2011
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