Hardouin (Anne) Années 1920-1930
Anne Hardouin
Années 1920-1930
Poétesse très présente dans les revues de l'époque, aujourd'hui "disparue". Difficile de croire que cette auteure, très introduite dans le monde des revues de poésies, n'ait publié aucun recueil!
3 poèmes publiés dans la revue Le Divan, 1932
1 - A l'automne
Tu as secoué la torche qui flamboie
Le long de la rive où la brise s'endort.
Tu as préparé le bûcher de la joie.
Automne aux yeux d'or!
La terre éblouie a raconté ta gloire,
De doux animaux ont pleuré dans les bois
Quand tu vendangeais la grappe blonde ou noire,
En robe d'orfrois.
Mais le temps n'est plus où ta force s'épanche
Et les soirs frileux de leur brume lilas
Ont voilé l'orgueil de ton front qui se penche
Et tes pieds sont las!...
La chaîne des jours somptueux est brisée.
La rose fragile a glissé dans la mer
Et l'amour a fui de son aile froissée
Le jardin désert.
Plus fine se fait la lumineuse palme.
Voici la douceur qui luit sur ton déclin,
Près d'un sable pur que découvre une eau calme
Telle un champ de lin.
Et, par les sentiers ennoblis sous ton signe,
J'ai cru respirer, Automne, avec émoi,
Comme le parfum d'un coeur qui se résigne
Et se lie à toi.
3 - Au bord d'une eau d'émeraude...
Au bord d'une eau d'émeraude
Dont tes yeux ont le reflet,
Jeune fille qui ravaudes
Ce lainage violet
Tu me sembles moins sereine...
Il se donne tant de peine
Le brun pêcheur qui te plaît!...
Pourquoi le plaindre, rêveuse,
Si la pêche fut heureuse?...
Il t'a prise à son filet!
4 - Ce n'est qu'une maison
Ce n'est qu'une maison, pas même une chaumière!...
Mais sa meule de paille accroche la lumière
Et la pomme rougit près de ses volets verts;
Mais, comme ancrée au creux de son coteau désert,
Elle voit la mer qui s'avance
Là-bas, sous les ajoncs;
Et, sur son toit bleu, les pigeons
Bleus font la révérence!
Dans le Divan, 1925
Arabesque
Le soir se penche au jardin
Citadin
Que surveillent les statues,
Entre les bassins verdis,
Attiédis
Où les jets d'eau s'exténuent.
Sur les gazons plus foncés,
Enlacés,
Le reflet et l'ombre luttent;
Et, préludant au repos,
Plus dispos,
Le merle a le son des fûtes...
Mais, déroulant leurs couleurs
Dans les fleurs,
Voici les petites filles
Qui vont, la main dans la main,
Leur chemin
Où des rondes s'éparpillent.
La pourpre aux sombres cheveux
Onduleux
Ornerait une guirlande;
Et cette autre, en violet,
Feu follet,
Semble arriver de la lande.
Une vieille, à petits pas,
Tout là-bas,
Comme à regret, se recule
Sous l'oeil froid des immortels
Blêmes tels
Les tombeaux au crépuscule...
Et, plus vite, au boulingrin,
Va son train
La légère farandole;
Et des couples, sans la voir,
Vont s'asseoir
Sous un arbre en girandole...
Passez, repassez dans l'air,
O vieux air.
Echo des saisons éteintes
Quéveilleront pour longtemps
Au printemps
D'autres voix, d'autres jainthes!
Au coeur des volubilis
Et des lys,
Tombez naïves paroles!
Bercez l'insecte enfoui
Dans la nuit
Odorante des corolles!...
Et, maintenant, hors d'ici
Sans merci
Puisqu'il faut que tout finisse
Enfants, vieillards, amoureux!...
Tout peureux
Un rayon de lune glisse.
Le Mercure de France 1er mai 1932
Le long du pâle flot...
Le long du pâle flot que le reflux emporte,
Sous un ciel alourdi, la grève semble morte;
Longue et nue, elle gît près des rochers funèbres
Où la brume en lambeaux amasse les ténèbres.
Le son, le mouvement à la fois l'abandonnent.
Des algues sans couleur tristement la couronnent.
Tout s'éteint... Il n'est plus de souffle qui l'effleure
Inerte, elle se noie, en ce vague de l'heure...
Pour renaître, il lui faut l'harmonieuse étreinte
Dont sa ligne meurtrie aura gardé lempreinte.
Il lui faut le retour de la mer, son cortège
Aérien d'oiseaux du large au vol de neige.
Dans La Muse Française, 1922
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