Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Hennique (Nicolette) 1882-1956

Nicolette Hennique
17 avril 1882-1956?
   Concernant la date de naissance, consulter les pages de ribemont.fr, ayant trait à son père.
Née en 1886, comme plusieurs sites l'indiquent, elle aurait eu à peine 14 ans lors de la parution de son 1er recueil!... Et 12 ans lors de la publication de ses premiers poèmes dans la Revue Blanche en 1998. S'agirait-il d'une Minou Drouet 1900?
 
Des rêves.jpg
 
et 
 
Orgueil
 
Souvenir
 
La tempête aux longs cris, aggravée en tourmente,
Qui courbe le sapin et l'orme comme un arc,
Ce midi noir d'octobre à chaque instant augmente
Et flagelle les Dieux de marbre, dans le parc.
 
Venus d'ailleurs, de loin, à la pointe des cimes,
Giclent des tourbillons de feuilles et d'oiseaux;
L'eau des bassins se rompt et se creuse d'abîmes,
De gouffres écumeux où claquent les roseaux.
 
A travers le plafond des branches déjà nues
On voit - telle une mer dont les flots planeraient -
Fuir la houle muette et nombreuse des nues.
L'air vacarme, le bois gémit, les biches riaient...
 
C'est une heure semblable, une heure de tempête,
Que l'amour nous jeta sous son joug décevant,
Ivres de l'ouragan ainsi que d'une fête,
Cabrés l'un contre l'autre et frappés par le vent.
 
Du vent dans la plaine, 1909
 
 
Joug volontaire
 
J'aime le poids souple des chaînes,
Les esclavages, les prisons,
Les Dieux, le mur des horizons,
Les bornes de nos fins prochaines.
 
J'aime les forces dont sont pleines,
Dont nous dominent les saisons,
Et j'aime les exhalaisons,
Sans freins, de l'amour et des haines.
 
Mes rêves sont obéissants. 
Ils me débordent, et je sens,
Par les ténèbres de mon être,
 
Que la meilleure liberté
Est de pouvoir choisir son maître,
Comme un tigre sa cruauté.
 
Du vent dans la plaine, 1909
 


Prière aux Dieux

O Dieux ! pour le tribut d'encens que je vous brûle.
Pour la myrrhe, le nard, la cannelle, le thym,
Et les vers parfumés que j'offre, ce matin;
Pour ces branches de lys, pour ces fleurs d'aspérule.

Donnez-moi, Dieux puissants, jusqu'à mon crépuscule,
Un égoïsme épais, un repos surhumain ;
Car, je voudrais, au long du terrestre chemin,
Avoir contre l'amour le bouclier d'Hercule.

Faites- moi tout entière et de glace et de roc,
De métal. Que mon cœur ne reçoive aucun choc;
Qu'aucune passion jamais ne le harcèle,

Ne puisse le tiédir même d'une étincelle !
Ainsi, je garderai le calme triomphant
Qui me berçait hier, lorsque j'étais enfant.




Bas-relief

On voit, au Parténon, sculptés contre des pierres
Les deux premiers chevaux que Neptune créa,
Un matin gai, chevaux à très longues paupières,

Chevaux hardis, chevaux rétifs, Syphus, Phœa,
Chevaux que font cabrer, noués à leurs crinières,
Les doigts impérieux de Minerve Hygœa.

Et celle que tous prient : rois, guerriers, agronomes.
Est si pleine de force en un beau mouvement,
Qu'à regarder l'image on aperçoit comment,

Virginale et sévère, elle domptait les hommes.

 




Le rêve des Bacchis

J'ai rêvé du pompeux monarque de la mer !
Il était contre moi ; sa paume redoutable
Avait abandonné le trident et la table
De cristal opalin que lèche un flot amer.

Attentif et superbe, il 'étreignait mes gestes.
L'oubli n'étreint pas mieux les ombres du Léthé;
Je sentais à mon cœur battre son cœur capté.
Et ses regards valaient deux étoiles célestes.

Sur ma nuque, sa barbe ordonnée en anneaux
Rendait, je me souviens, plus torride et plus large
Sa caresse. Pareil à quelque lourde charge.
Le poids de ses baisers faisait craquer mes os.

Les phrases qu'il me dit arrivaient suppliantes.
Humainement, et, très bas, chacun de leurs mots
Etait ainsi que l'air ému dans les rameaux,
Le soir, quand un parfum s'exhale hors des plantes...

Et mon amour alla, sans inutile effroi,
Vers Neptune, — qu'à peine, ô ma bouche, tu nommes, —
Car, malgré notre orgueil et malgré notre foi,
Nous préférons les Dieux, lorsqu'ils semblent des hommes.

 




Némée

Le ciel ombrait déjà ses voiles fleurissants.
Ombrait les bluets bleus et le rouge gingembre,
Lorsqu' Hercule étreignit la robe couleur d'ambre
Du monstre Néméen, soûl des crimes récents.

Tous deux lourds et pelus, et tous deux rugissants
S'acharnent au combat mortel... L'effort les cambre.
Homme, lion, poitrine à poitrail, membre à membre.
L'herbe, le sol buvaient, rapides, leurs deux sangs...

lutte mémorable ! ô Mars, quelle tempête
Gronde ? Enfin ! le héros put étouffer la bête :
Puis, acceptant le joug fraternel et les lois

Qui l'obligeaient à vaincre ainsi qu'un astre éclaire.
Il repartit, malgré l'heure crépusculaire,
D'un long pas décidé, pour de nouveaux exploits.

 

Notre mémoire
 
Comme une flamme au vent dresse, éploie ou ramasse
Sa souplesse mouvante et sa torridité,
La mémoire, selon la nuit ou la clarté,
Au gré de notre humeur se transforme, vivace
Et je ne veux point croire à la stabilité
De quelque chose en nous,, nous qui changeons sans cesse:
Ce dont je me souviens, un jour , dans la tristesse,
Change bientôt d'aspect au feu de la gaîté.
Soleils, amours d'antan, chagrins, multiples trames
Que créaient mon espoir et ma sincérité,
Je vous retrouve avec la versatilité
Que l'heure et la saison mettent au coeur des femmes.
Hier, quand j'évoquais le jardin déserté
Où, par un matin d'or et de profond silence,
Miraculeusement l'éclat de ta présence
Mieux que Juin et ses fleurs paraît pour moi l'été,
Ce souvenir heureux me gonflait d'allégresse...
Mais ce soir, mais demain, ivre de nouveauté,
Peut-être sera-t-il en mon esprit buté
Un accumulateur de haine et de détresse...
Car bannis aux remous des enfers sans Léthé,
Toujours nous étirons de l'ombre, du mensonge;
Car telle est notre force à perpétrer un songe
Que même nous voyons ce qui n'a pas été.
Ce dernier poème a été publié dans "Je sais tout", 15-01-1913 (Gallica)
 
 
 
 
Bibliographie provisoire
 
 
Poésie
 
- Des rêves et des choses (1900)
- Des héros et des Dieux (1904)
- Les douze labeurs héroïques (1903)
- Du vent sur la plaine, Paris, Eugène Pasquelle, (1909)
Autres
1926 : Jean-Baptiste Oudry
1959 : Mon père Léon Hennique
 
Léon et Nicolette Hennique


05/09/2012
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