Hennique (Nicolette) 1882-1956
Prière aux Dieux
O Dieux ! pour le tribut d'encens que je vous brûle.
Pour la myrrhe, le nard, la cannelle, le thym,
Et les vers parfumés que j'offre, ce matin;
Pour ces branches de lys, pour ces fleurs d'aspérule.
Donnez-moi, Dieux puissants, jusqu'à mon crépuscule,
Un égoïsme épais, un repos surhumain ;
Car, je voudrais, au long du terrestre chemin,
Avoir contre l'amour le bouclier d'Hercule.
Faites- moi tout entière et de glace et de roc,
De métal. Que mon cœur ne reçoive aucun choc;
Qu'aucune passion jamais ne le harcèle,
Ne puisse le tiédir même d'une étincelle !
Ainsi, je garderai le calme triomphant
Qui me berçait hier, lorsque j'étais enfant.
Bas-relief
On voit, au Parténon, sculptés contre des pierres
Les deux premiers chevaux que Neptune créa,
Un matin gai, chevaux à très longues paupières,
Chevaux hardis, chevaux rétifs, Syphus, Phœa,
Chevaux que font cabrer, noués à leurs crinières,
Les doigts impérieux de Minerve Hygœa.
Et celle que tous prient : rois, guerriers, agronomes.
Est si pleine de force en un beau mouvement,
Qu'à regarder l'image on aperçoit comment,
Virginale et sévère, elle domptait les hommes.
Le rêve des Bacchis
J'ai rêvé du pompeux monarque de la mer !
Il était contre moi ; sa paume redoutable
Avait abandonné le trident et la table
De cristal opalin que lèche un flot amer.
Attentif et superbe, il 'étreignait mes gestes.
L'oubli n'étreint pas mieux les ombres du Léthé;
Je sentais à mon cœur battre son cœur capté.
Et ses regards valaient deux étoiles célestes.
Sur ma nuque, sa barbe ordonnée en anneaux
Rendait, je me souviens, plus torride et plus large
Sa caresse. Pareil à quelque lourde charge.
Le poids de ses baisers faisait craquer mes os.
Les phrases qu'il me dit arrivaient suppliantes.
Humainement, et, très bas, chacun de leurs mots
Etait ainsi que l'air ému dans les rameaux,
Le soir, quand un parfum s'exhale hors des plantes...
Et mon amour alla, sans inutile effroi,
Vers Neptune, — qu'à peine, ô ma bouche, tu nommes, —
Car, malgré notre orgueil et malgré notre foi,
Nous préférons les Dieux, lorsqu'ils semblent des hommes.
Némée
Le ciel ombrait déjà ses voiles fleurissants.
Ombrait les bluets bleus et le rouge gingembre,
Lorsqu' Hercule étreignit la robe couleur d'ambre
Du monstre Néméen, soûl des crimes récents.
Tous deux lourds et pelus, et tous deux rugissants
S'acharnent au combat mortel... L'effort les cambre.
Homme, lion, poitrine à poitrail, membre à membre.
L'herbe, le sol buvaient, rapides, leurs deux sangs...
lutte mémorable ! ô Mars, quelle tempête
Gronde ? Enfin ! le héros put étouffer la bête :
Puis, acceptant le joug fraternel et les lois
Qui l'obligeaient à vaincre ainsi qu'un astre éclaire.
Il repartit, malgré l'heure crépusculaire,
D'un long pas décidé, pour de nouveaux exploits.
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