Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

La "théorie du genre" de Charles Maurras

La "théorie du genre" de Charles Maurras

dans ses études sur la poésie féminine

 

  Chacun sait qu'il y a de nombreuses "théories du genre". L'une des plus cohérentes est sans doute celle de Charles Maurras, telle qu'explicitée dans un célèbre article publié d'abord dans Minerva (1903) et repris dans un ouvrage de 1917, intitulé "L'avenir de l'intelligence". Il concerne 4 des poétesses les plus en vue en ce début de XXème siècle.

 

Liens vers ce long article intitulé

Version 01

  De Maurras à Eric Zemmour

 

  L’émergence et le succès sans précédent d’une cohorte de femmes écrivains dans les années 1900 ne laissèrent pas Charles Maurras indifférent. Dans un texte intitulé « Le romantisme féminin, allégorie du sentiment désordonné », paru d’abord dans la revue Minerva en 1903, et repris dans un ouvrage de 1917 intitulé « L’Avenir de l’intelligence », il s’en prend à quatre poétesses de premier plan, auxquelles il reconnaît volontiers du talent. Il s’agit de « Mesdames Renée Vivien, Henri de Régnier, Mathieu de Noaïlles et Delarue-Mardrus ».

   Après avoir souligné leur origine étrangère et cité en renfort un certain M. Dauchot qui les considérait comme des « métèques étrangères », après leur avoir reproché de s’appliquer à des « passions contraires à la nature », après les avoir accusées de développer l’anarchie littéraire dans leurs oeuvres, après avoir, plus fondamentalement, dénoncé le romantisme (Hugo, Chateaubriand...)« pour avoir féminisé les âmes et les esprits français »  Maurras nous donne la clé de cette décadence  imputable à l’omniprésence du principe féminin dans le domaine littéraire : elles imitent leurs maîtres, mais en les dénaturant. Au lieu de s’en tenir aux limites de leur nature profonde, elles s’aventurent dans des domaines réservés aux hommes, au risque de se profaner elles-mêmes et d’entraîner par la même occasion une dégenérescence de la civilisation. Il s’agit bien sûr pour lui de plaider pour un retour à l’ordre classique.

 « Depuis qu’il retombe en quenouille le romantisme est rendu à ses ayants droit », les femmes . 

  « Oui, le vrai féminin c’était bien de se cacher éternellement. Celle qui avoue et qui déchire la draperie voluptueuse sacrifie quelque chose de son sexe à son art ... Jamais littérature aussi désordonnée n’a moins offensé le plan providentiel ».

 « La vie intérieure de la femme est, au physique, à l’organique, plus intense que la nôtre... La femme est continuellement ramenée dans son corps. »

 « Une cité de femmes est en voie de d’organiser un secret petit monde où l’homme ne paraît qu’en forme d’intrus et de monstre, de jouet lubrique et bouffon... »

 Pour Maurras, le principe de désordre (lié au triomphe du sentiment, forcément féminin) est en train de l’emporter sur le principe d’ordre (fondé sur la raison, forcément masculine). Or ce triomphe est pour lui une impasse.

***

On n’imagine mal qu’Eric Zemmour ait oublié de lire ce maître à penser qu’il ne cite pas volontiers. Le problème reste de savoir si la décadence française date du XIX siècle romantique ou d’un mai 68 revisité par « Hélène et les garçons ».  Un débat Maurras-Zemmour à la télévision ! Quel plateau !

 

L'article de Maurras est disponible sur Gallica à l'adresse suivante:

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63186r/f202.image.r=Maurras%20le%20romantisme%20féminin%20noailles.langFR

 

 

Version 02

 Le romantisme féminin, allégorie du sentiment désordonné

 

René Vivien

Madame de Régnier

Madame Lucie Delarue-Mardrus

La Comtesse de Noailles

Leur principe commun

 

Argument

- l'homme se caractérisant par son intelligence est principe d'ordre. (Classicisme)

- La femme, submergée par l'émotion, est principe de désordre (Romantisme)

 

 

Pour Maurras, ces 4 poétesses présentent des points communs:

1 - L'origine étrangère.

Ce sont des "métèques indisciplinées" (M. Dauchot). Expression reprise par Maurras.

 

2 - D'étrangetés en perversions:

   "on s'appliqua (elles s'appliquent) aux passions qualifiées de contraires à la nature".

 

3 - L'indépendance du mot, "nomen numen".

   Les mots sont traités pour leurs irradiations propres. Le sonnet des "Voyelles" de Rimbaud devient leur programme d'écriture.. C'est ici la défaite de la syntaxe qui étend ses effets destructeurs. Le texte s'atomise et se disloque. La signification fait place à la sensation et à l'anarchie littéraire.

    "C'est un plaisir de femme que d'assortir les mots comme des étoffes".

    "Coeur...mot charnel et sensible, le mot rond dans lequel il y a du sang".

 

4 - L'anarchie:

   Conséquence du primat accordé au mot sur la syntaxe.

"Le sentiment devenu guide, la sensation faite règle et les tendances excentriques... Etincelante minute d'intensité et de frénésie... La sensiblité saturée... Le moi crève et se rompt... Terme mortel assigné au Sentiment maître de l'âme". Ces poétesses constituent le point d'aboutissement du projet romantique.

 

5 - Le génie féminin: le romantisme (Hugo, Chateaubriand etc...)

   La littérature féminine exacerbe en effet le projet romantique qui avait d'abord efféminé les âmes et les esprits français.

   "Depuis qu'il retombe en quenouille le romantisme est rendu à ses ayants droit", les femmes. Mais ce triomphe est aussi une impasse. Ce retour aux sources (féminines) est aussi un rétrécissement...

 

6 - Le prestige d'être bien soi:

   Par nature, la femme est autocentrée, incapable d'élargir ses vues au-delà de son moi et de sa propre expérience, de s'ouvrir au vaste monde, de se dépasser, en un mot de faire preuve d'intelligence et d'intelligence abstraite.  

   "Dire moi fait presque partie du caractère de la femme".

   "D'un geste auguste et primitif, la vraie femme ramène à soi tout le ciel et toute la terre."

   C'est que "la vie intérieure de la femme est, au physique, à l'organique, plus intense que la        nôtre... La femme est continuellement ramenée dans son corps."

  "L'homme agite, court, voyage, mais la femme existe et demeure... Il dit "nous": elle répond "moi".

 

  7 - La profanation:

  En littérature, en philosophie,  elles imitent leurs maîtres, mais en les dénaturant. Au lieu de s'en tenir aux limites de leur nature profonde, elles s'aventurent dans des domaines réservés aux hommes, au risque de se profaner elles-mêmes et d'entraîner par là même occasion une dégénérescence de la civilisation.

  "Oui, le vrai féminin c'était bien de se cacher éternellement. Celle qui avoue et qui déchire la draperie voluptueuse sacrifie quelque chose de son sexe à son art"... Jamais littérature aussi désordonnée n'a moins offensé le plan providentiel".

 

8 - Le dessèchement:

   Leurs prétentions ne peuvent être que suicidaires. Leur tendance immodérée à se raconter, à s'épancher, à s'organiser même, pour défendre leurs droits, leur sera fatale. 

   "Une cité de femmes est en voie de s'organiser, un secret petit monde où l'homme ne paraît qu'en forme d'intrus et de monstre, de jouet lubrique et bouffon...

   " La dureté et la rigueur naissent alors sur la plaque qui a trop vibré... les racines physiques de la passion ont été arrosées et nourries trop jalousement, elles sont engorgées et elles dépérissent..."

 

   Le génie féminin revient sur lui-même, se met en formules afin de se connaître et de se décrire. Il n'aime plus. Au lieu d'aimer, il pense l'amour, se pense... se nie et anéantit.

 



15/05/2014
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