Lamontagne (Blanche) 1889-1958
Blanche Lamontagne
1889-1958
- Blanche Lamontagne, la première poétesse du Québec
Cette poétesse reconnue est aussi très présente sur Internet: on sera reconnaissant au site "Poésies.net" de lui avoir consacré plusieurs pages qui permettent au lecteur de se familiariser avec son art. Trois recueils y sont numérisés:
- Les Trois Lyres. (1923)
- La Moisson Nouvelle. (1926)
- Ma Gaspésie (1928)
Le Haut Du Jour.
Honneur à toi splendeur humaine ! Béni soit le sol enchanté Où la nature en fleurs promène Le souffle brûlant de l’été ! Au loin le regard voit s’étendre La mer des blés dominateurs ; Le feuillage est épais et tendre, Midi chante sur les hauteurs. Voici le midi de ta vie, Voici pour toi le haut du jour, Ô mon âme ! Ah ! sois-en ravie : Chante la patrie et l’amour... La sève ardente va renaître, C’est l’heure où croissent les moissons ; Reprends ton luth et fais-en naître Des chants, des chants et des frissons ! Les heures sont vives et brèves, Un beau jour est bientôt fini ; Mène le troupeau de tes rêves Dans les plaines de l’infini. Vois tous les troupeaux de la terre S’en aller vers un abreuvoir. Bois à la source du mystère L’eau d’idéal et de savoir. Avant que le jour ne se pâme Aux bras noirs de l’obscurité, Mène tes rêves, ô mon âme, Paître l’herbe de la beauté... Monte la côte ardue. Espère Trouver le puits providentiel ; Mène tes troupeaux vers le Père, Le maître des granges du Ciel !...
Maison Blanche.
J’aime la maison blanche, ignorée et seulette, Qui se découpe sur la côte violette, Dans l’éternel silence et la paix des coteaux, Où paissent doucement les tranquilles troupeaux. J’aime son gai pignon, sa légère fumée, Ses fenêtres, son seuil, sa lampe rallumée, Le grincement de ses portes aux lourds verrous, Son puits bordé de foins et de feuillages roux, Et ses saules verts qui dans l’aube coutumière, Étalent sous les cieux leurs cheveux de lumière !... J’aime la maison blanche assise au bord des monts. Je l’aime. - Savons-nous donc pourquoi nous aimons ? - Je me sens réjouie en même temps qu’émue De cette pureté qui chante et qui remue, De ce nid qui gazouille au coeur des chauds midis, Caché dans l’épaisseur des buissons reverdis, Et parmi l’or en feu du blé qui sait renaître... J’aime la maison blanche où tout l’azur pénètre, Qui mêle, en un tableau presqu’immatériel, La grâce de la terre à la clarté du ciel !...
Souvenirs.
Où sont les jours d’antan où tu venais, amie, T’asseoir auprès de moi sur le banc du jardin ? La brise nonchalante, éveillée à demie, Dans nos cheveux venait papillonner soudain. La lune illuminait ton magique visage, Allumant dans tes yeux ses feux multipliés, Et parfois un moineau, sortant du paysage, Venait subitement se tapir à nos pieds... La nuit claire encadrait ta tête de madone. Où sont ces jours heureux, mon amie, ô ma soeur ? Ces jours où simplement toute chose se donne : La fleur dans son parfum, l’âme dans sa douceur... La brise soupirait et les branches froissées Composaient dans la nuit un innombrable choeur ; Ta voix douce évoquait les angoisses passées, Et des sanglots secrets nous remuaient le coeur. Et, depuis, mon esprit s’obstine à te poursuivre, Puisqu’en ton coeur tu m’as permis de pénétrer, Puisque tu m’as appris le courage de vivre, Et que j’eus avec toi le bonheur de pleurer. Mais les jours ont passé, les jours et les années ; Et l’existence nous sépare maintenant... Déjà nous subissons les coups des destinées, Hélas ! et notre front se montre grisonnant... Mais, tel un voyageur qui contemplant sa route, S’assied, le coeur baigné d’un éternel espoir, Je m’arrête parfois, inquiète, et j’écoute Les échos de ta voix dans la brume du soir... Cependant que, portant le fardeau de ta peine, Avec un front toujours plus pur dans sa pâleur, Tu t’en vas, emportant dans ton âme sereine, La tragique beauté qu’y verse la douleur !...
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