Lautrec (Adrienne de) 1886-1964
Adrienne de Lautrec
ou
Adrienne Lauter
1886-1964
- Hollande et France
Amour et Sagesse, 1921
La révolte 1912
La révolte (1912)
Poétesse et romancière d'origine hollandaise... Le recueil intitulé "Les Révoltes" commence par une célébration de l'amour conjugal. Il se teinte ensuite d'amertume, s'imprègne avec une certaine impertinence de l'esprit de Verlaine et se clôt sur des poèmes transgressifs d'une extrême violence.
Puérilité
Ce soir-là, j'eus un rêve en face d'un tableau;
Image tendre et juvénile,
D'une fillette nue et frileuse, dont l'eau
Baignait les petits pieds graciles.
Les jambes, frêles comme la tige des fleurs,
Traversaiernt l'eau telle une sonde,
Le jeune corps semblait, blotti dans sa chaleur,
Tour à tour fuir et chercher l'onde.
Les boucles d'or tombaient, folles de liberté.
Le long de la face enfantine,
Aspirant, sans l'atteindre, au triangle sacré
Du jeune sexe qu'on devine.
Les yeux avaient grandi par la sensation
Enervante de la froidure,
Et, croisés sur les seins, pudiques et mignons,
Les deux bras faisaient couverture.
Et j'ai senti, voyant cette contraction
En sa candeur tant émouvante,
Frémir, naïf et nu, de ce même frisson
Mon coeur que la vie épouvante.
Les naïfs
Muscadin et la cornemuse
Font entendre des sons affreux,
Pierrot vient apporter ses voeux
Passés par le tamis des muses.
Ils ont d'ailleurs pour seule excuse,
D'être éperdûment amoureux
De Colombine et de ses yeux,
Ces chastes dépôts de la ruse.
Au vil pays des songe-creux
Tout homme de son coeur abuse
En rêvant d'un bonheur à deux...
Pourvu que les enfants s'amusent!
Jeu d'Ingénues
A Colombine, la rieuse,
Isabelle ose confier
- Et l'autre de se récrier -
Qu'elle n'a point l'âme amoureuse.
Nous allons voir! vite, un manteau,
Un chapeau d'homme et la perruque;
mademoiselle, votre nuque,
Ne pâlira pas de sitôt!
La voici chevalier errant,
Après avoir été soubrette;
Et qui s'en vient conter fleurette,
A l'orgueilleuse, en soupirant.
Tombe à genoux et baise même,
Sans aucun signe d'embarras,
La main, le poignet et le bras,
Tout en lui disant: "Je vous aime".
Bienveillante et sans résister,
L'autre sourit à la caresse,
Et soupire: " Ah! mais rien ne presse;
Tu ne devrais pas insister.
Assez! de grâce...quel dommage,
- La voix porte un léger frisson -
Que tu ne sois pas un garçon!"
Arrêtons ce cruel langage...
L'impossible
Le jour où ma folie agite l'aile noire,
Je découvre l'abîme où je devrai sombrer.
Là-bas, sur l'autre bord, jaillit l'éclat des foires.
Vers où tend mon vouloir d'un arc dur et cambré.
Le bonheur n'est point là, quoiqu'en dise mon rêve,
Hélas, je le situe où jamais je ne suis.
Ma vie a commencé, continue et s'achève,
Dans l'ivre pourchasser d'un oiseau bleu qui fuit.
Je voudrais que mon être, enfin calmé, demeure,
Et s'installe au sein mol de la réalité;
Dédaigant la beauté passagère de l'heure,
A force de paresse et de satiété.
La procession
Vers le temple blanchi par le jour qui commence,
Souple procession jusqu'au pied de l'autel,
L'une après l'autre chaque hétaïre s'avance,
Les yeux illuminés d'un désir immortel.
De leurs bras arrondis comme l'osier d'une anse,
Elles tendent les fruits, les gâteaux et le sel.
La harpe consacrée évoque leur appel,
Et leurs pas sont réglés sur un rythme de danse.
Parmi l'encens qui monte et cherche le ciel bleu,
Les plus jeunes, les yeux cernés, en noble aveu,
Aux prêtres ont offert leur sanglante tunique(,)
Mais une qui survient, sans même supplier,
Dépose sur l'autel de la déesse unique,
Avec orgueil, un peigne, un miroir, un collier.
Les courtisanes
O vous qui connaissez les traités érotiques,
Esclaves de l'amour vénal et corrompu;
Vous qui rendez l'esprit veule et le corps repu
Par le souple talent de vos lentes pratiques,
Vous dont l'amour a l'équivoque d'un rébus,
Et dont le coeur se meurt dans un effort cynique,
Egouts sublimes de l'humanité lubrique,
Vous les victimes éternelles de l'abus,
Qui, sans même écouter les insultes redites,
Savez le sens réel du plus divin des rites,
Et mourez chaque nuit dans un spasme d'amour,
O courtisanes, ô marchandes de caresses,
Vivez! vous qu'on méprise et qui serez toujours,
Du temple d'Astarté les divines prêtresses!
Bacchanale
Sur les lits allongés, dans l'étouffante salle,
Les convives fleuris en l'honneur du repas.
Regardent défiler l'attrait pompeux des plats.
Où se dressent des mets la hauteur colossale.
Ils ont bu dans le vin les forces animales,
Et l'ivresse est montér en leurs membres béats:
Mais soudain se réveille à l'appel des combats,
Le rut toujours latent qui dort au fond des mâles.
L'orgie commence avec les hurlements
Des couples, enlacés sous les éclaboussures.
Et pendant que les vins arrosent les morsures,
Montent du sol boueux où gisent les amnats,
Avec les fleurs formant des mélanges rebelles,
Les fuments du festin et l'odeur des femelles.
Pour en savoir plus sur cette poétesse et romancière d'origine hollandaise...
http://flandres-hollande.hautetfort.com/contes-legendes-traditions/
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