Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Mandelot (Mme), 1753-1822

Madame Mandelot

Marie-Humberte

 

1753-1822 

 

Le clair de lune

(Extrait du Magasin encyclopédique, sept. 1912, p. 221)

 

Quel charme ignoré du vulgaire,

Règne et circule autour de moi?

Phébé, ce calme salutaire

Ne peut émaner que de toi!

O lune! astre toujours paisible,

Reine tranquille de la nuit,

Répands sur ma Muse sensible

La douce clarté qui te suit.

Puissent les vers que je soupire,

Influencés pas tes rayons,

Couler de mes tendres crayons

Dignes du lien qui les inspire!...

 

Lorsque sur ton disque d'argent

Je vois errer quelque nuage,

Ainsi, dis-je, l'âme du sage

Peut s'obscurcir pour un instant;

Mais de sa raison toute entière

S'armant contre l'adversité,

Il reprend sa sérénité,

Comme tu reprends ta lumière.

 

En vain, brillant d'un pur éclat,

La jeune amante de Céphale,

Entoure l'aube matinale

D'un réseau d'or et d'incarnat;

Ta présence plus douce encore,

Semble ramener ent tous lieux

Ce silence majestueux

Qui se dissipe avec l'Aurore.

 

Tu suspends les traits du malheurs:

L'infortuné qui te confie

Le trouble et l'ennui de son coeur,

A ton aspect, bientôt oublie

Le sentiment de sa douleur;

Et dans ce calme plein de charmes

Retrouvant d'heureux souvenirs,

Il se plaît à verser des larmes

Qui lui rappellent ses plaisirs.

 

Lorsque, de ses voiles funèbres,

La Nuit obscurcit l'univers,

Et répand d'épaisses ténèbres

Sur les vallons et les déserts,

C'est toi dont la marche incertaine

Egayant un coin du tableau,

Sème sur sa robe d'ébène

Quelques débris de ton flambeau.

 

Quittez alors, mortels sensibles,

Vos asiles pour des bosquets;

Venez admirer les reflets

Que forment ces ondes paisibles.

 

Contemplez d'un oeil curieux

Ces globes, ces astres sans nombre,

Qui d'un jour pur et demi-sombre

Eclairent doucement les cieux.

Dans ces moments délicieux,

Chantez sur le ton le plus tendre,

Et, qu'attentive à vos concerts

Phébé qui doit, du haut des airs,

Vous inspirer et vous entendre,

Trouve un hommage dans vos vers.


 

A M. de Florian, qui m'avait envoyé des ouvrages.

 

Peintre sensible et délicat

Des seuls biens que le sage estime

Combien la vertu qui t'anime

Brille à nos yeux d'un pur éclat!

Tout respire dans ta morale

L'humanité, l'amour du bien:

Tel au matin le lys exhale

Les parfums qu'enferme son sein.

 

Un Dieu t'éclaire, un Dieu t'inspire!

Quel génie, ami des talents,

A rendu les sons de ta lyre

Si délicats et si touchants?

Lorsque, sur ses cordes flexibles

Tu promènes tes doigts légers,

En t'écoutant, nos coeurs sensibles

Partagnet les destins paisibles

Et le bonheur de tes bergers.

 

Ta Muse peint en traits de flamme,

Et par un art qui nous séduit,

Dans les travaux de ton esprit

Laisse l'empreinte de ton âme.

Ainsi, par le double ascendant

Dont les Dieux l'ont favorisée,

En exprimant une pensée

Elle fait naître un sentiment.

 

Qui peut, sans un plaisir extrême,

Lire tes écrits séduisants,

Ces écrits où la vertu même

Vient respirer un pur encens?

Ta noble et sublime éloquence

Entraîne et gagne tous les coeurs,

Et le Dieu chéri des pasteurs

Te prépare pour récompense

Autant d'amis que de lecteurs.

Astre dont la présence et l'éclat radieux

Fertilisent la terre, embellissent les cieux;

Et dont la sphère immense embrasse tous les mondes;

Qui pourrait mesurer les distances profondes,

Les innombrables feux, l'espace illimité

Où règne ta puissance, où brille ta clarté?

 

Elégie (pour son mari?)


J'entends, je vois partout l'ami que j'ai perdu:

Il erre tristement à l'ombre de ces hêtres;

Son nom m'est répété par les échos champêtres,

Et nourrit la douleur dans mon mon coeur éperdu.

 

Lorsque l'heureux berger, sur sa flûte légère,

Annonce le retour de Flore et du printemps,

Il me rappelle, hélas! qu'une voix bien plus chère

Se plut à célébrer les doux loisirs des champs!

Des Muses autrefois il emprunta la lyre

Pour chanter la nature et ses douces faveurs;

Il aimait les plaisirs que goûtent les pasteurs

Et ce calme enchanteur que la retraite inspire...

Mais je soupire en vain d'inutiles regrets!

En vain de tendres pleurs inondent ma paupière!

Et la mort insensible à ma triste prière

Aux voeux de l'amitié ne le rendra jamais.

 




13/06/2011
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