Marguerite d'Autriche (1480-1530)
Marguerite d'Autriche
1480-1530
Poèmes repris de l'ouvrage de Francisque Thibaut,
"Marguerite d'Autriche et Jehan Lemaire des Belges"
Paris, Ernest Leroux, 1888 (p. 41-53)
(Souvenir tue...)
Souvenir tue et soir et main (matin),
Et si (pourtant) ne donne coup de main,
D'hache, d'épée ni de lance,
Mais au coeur tant de regret lance
Qui convient en demeurer vain.
Son coup est fort rude et soudain,
Par quoi je dis et non en vain,
Que, par très dure grévance,
Souvenir tue.
Quand du passé l'on se remaint ((souvient),
Qu'on n'avait nul regret vilain,
Mais que tout venait à plaisance,
Et par rebours que déplaisance
Tient en prison un coeur humain,
Souvenir tue.
(Deuil et ennui...)
Deuil et ennui, souci, regret et peine,
Ont éloigné ma plaisance mondaine
Dont à par moi je me plains et tourmente,
Eten espoir n'ai plus un brin d'attente
Voyez-là comment Fortune me promène.
Je n'ai pensée que joie me ramène,
Ma fantaisie est de déplaisirs pleine,
Car à toute heure devant moi se présente
Deuil et ennui.
Cette langueur vaut pis que mort soudaine,
Puisqu'il n'y a sang, chair, os, nerf ou veine
Qui rudement et très fort ne s'en sente.
Pour abréger, sans qu'en rien je vous mente,
J'ai, sans cesser, qui ma vie à fin mène,
Deuil et ennui.
(Ce n'est pas jeu...)
Ce n'est pas jeu d'être si fortunée
Qu'éloigner faut ce que l'on aime bien,
Et si suis sûre que pas de lui ne vient,
Mais me procède de ma grand'destinée.
Dites-vous donc que je suis égarée,
Quand je me vois séparée de tout mon bien.
Ce n'est pas jeu.
J'ai le rebours de toute ma pensée,
De tout ceci je le porterai bien,
Et si n'ai nul qui me conforte en rien,
Mais que de lui je ne sois oubliée
Ce n'est pas jeu.
(Si je permets...)
Si je permets ou que permette
Aucun (quelqu'un) se clamer mon servant,
Fût riche noblesse observant,
Ne pensez qu'en lui mon coeur (je) mette
Ne cuidez pas que foi commette,
En oyant un chacun bavant,
Si je permets.
Point ne suis une Guillemette
Pour un Guillaume décevant,
Vous suppliant d'heure en avant
Non penser qu'en amour me mette,
Si je permets.
(Belles paroles...)
Belles paroles en paiement
A ces mignons présomptueux
Qui contrefont les amoureux
Par beau semblant et autrement.
Sans nul credo, mais promptement
Donnez pour récompense à eux
Belles paroles.
Mot pour mot, c'est fait justement,
Un pour un, aussi deux pour deux.
Si devis ils font gracieux,
Répondez gracieusement
Belles paroles.
(Incessamment...)
Incessamment mon pauvre coeur lamente
Sans nul repos, souvenir me tourmente,
Ayant au coeur ennui et grief tourment,
Bannie suis de tout débatement
Et si languis près de mort véhémente.
A grand regret mon refuge m'absente
Voisine n'ai qui tant de douleur sente
Force m'est bien de pleurer tendrement
Incessamment.
A riens que à deuil je ne mis mon entente,
Voire si grand que chacun jour de rente
Cent mille fois je perds mon sentiment
Or vois-je bien que pour tout paiement
N'aurai d'amours, fors être mal contente
Incessamment
(Le temps m'est long)
Le temps m'est long et j'ai bien le pourquoi,
Car un jour m'est plus long qu'une semaine,
Dont je prie Dieu que mon corps tôt ramène
Où est mon coeur qui n'esty plus avec moi.
Il est vers vous, repoussant sans requoi,
Et pour cela que j'en suis en grand' peine,
Le temps m'est long.
Je vous jure et sans mentir ma foi,
Que pensement non plaisant me promène,
Où que sois, dont forment je m'ataigne, (?)
Et récrire je vous puis orendroit,
Le temps m'est long.
(Amour me rend...)
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