Marti (Delphine) 1884-1972
Delphine Marti
1884-1972
"Première "félibresse" de son île
Corse
Poème corse, traduit par l'auteur et publié dans la revue "La Proue", 931
La rose corse
Roses chinoises, turques orgueilleuses,
Je n'ai jamais connu vos parfums,
Mais dans les vers de vos admirateurs
Vos vertus semblent merveilleuses.
Pourtant je n'aime que ces roses rouges,
Ecloses parmi les menthes sauvages,
Tout en est pénétré: mes rires, mes douleurs
Et mes courts instants de béatitude.
Rose sanguine, âpre et suave, corse,
Ressuscite, par ta force magique,
Mon plus bel amour, mon amour d'enfant.
Ce frais papillon d'or autour de ma mémoire
Palpite quand ton souffle a traversé mon coeur,
O fleur évanouie que tourmente le vent.
Voici l'original corse publié sur la page
Poème publié dans la revue La Proue, 1937
La plaine enchantée
(Poème traduit du dialecte corse par son auteure)
Lorsque mon père allait à la campagne
visiter ses enclos, son bétail
(et ses champs de tabac d'Espagne
qu'arrosait l'eau jaune du fleuve),
j'étais parfois invitée à le suivre...
Mes deux bras autour de sa taille,
du haut de son cheval arabe,
je voyais la plaine enchantée!
L'aube pointait... sur les hautes montagnes,
le soleil ne se montrait pas encore,
mais les yeux attentifs,large ouverts,
je guettais impatiemment le spectacle du jour.
L'étang semblait glacé comme une laque
avec l'éclat des nacres japonaises...
De petis canards, cols verts du pays,
se miraient parmi les fleurs d'eau.
Des magiciens, des sorcières, des fées,
Dans l'obscurité des heures secrètes,
de colliers blancs, de noeuds de dentelle
avaient orné les arbustes des haies.
Et sous l'influence des charmes,
je délirais, je chantais pour moi-même;
une princesse de légende
n'a pas de moments plus heureux!
De tous ces plaisirs champêtres,
je ne me suis jamais sevrée;
avec mes souvenirs, mes deuils,
je suis demeurée orpheline...
Dans le calme des nuits lucides
- des étranges nuits d'insomnie
où tout est splendeur, harmonie,
je vois les plaines d'autres mondes.
.................................................
Sur une cavale blanche,
couleur de nue et de fumée,
le front étoilé de lumières,
jamais lasse, jamais rebelle,
ö mon père, tu viendras me prendre
en un souffle: " Allons, es-tu prête?"
Pour voir quels célestes jardins
l'aube éternelle m'éveillera?
Poème publié dans la revue "La Proue". Trazduit du corse par l'auteure
De mes ancêtres, l'un...
à Philéna Leborgne?
De mes ancêtres, l'un, peut-être bouvier,
Pâtre ou laboureur à l'âme sereine
(Mais sûrement un poète sincère!)
Fit en chantant son terrestre voyage.
J'entends frémir sa voix d'homme inspiré
- Plus savoureuse et douce que le miel -
Et soupirer ses joyeux chalumeaux
Sous l'olivier, l'orme ou le châtaignier.
Il emportait, avec l'humble bissac,
La cornemuse aux longs tuyaux de buis...
Le soir venu, du seuil de sa cabane,
Son rêve allait au coeur des paysans.
Ah! je suis fière, ô mon très noble ancêtre,
D'imaginer en contemplant nos monts:
"Parmi faucons, éperviers et corbeaux,
L'un des miens fut, comme un ramier, sauvage."
Je le vois rire aux sources qui miroitent
Dans le soleil ou la splendide nuit.
Célestes fleurs! - Les yeux des jeunes hommes -
Etoiles d'or! - Maléfiques regards! -
L'ombre me suit et cependant me guide,
Loin de la route, aux agrestes sentiers
De cyclamens, de violettes bleues,
Comme pour dire: " Oh! sois fidèle et simple."
Voilà pourquoi j'écris en dialecte...
Sans bien savoir ma langue maternelle,
Je sens vibrer le lyrisme éternel
Dans un parfum suave et pénétrant.
A mon oreille une haleine divine
Me souffle tout de ses vertus suprêmes
Et je me sers de paroles étranges
Dont j'ignorais l'orthographe et le sens.
L'ancêtre dit (ce ne sont pas des contes!)
Sa vie ardente et son unique amour
Et tant de flamme anime cette voix
Que dans mon coeur l'antique sang bouillonne!
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