Mercoeur (Elisa) 1809-1835
Elisa Mercoeur
La feuille flétrie
Pourquoi tomber déjà, feuille jaune et flétrie?
J'aimais ton doux aspect dans ce triste vallon.
Un printemps, un été furent toute ma vie,
Et tu vas sommeiller sur le pâle gazon.
Pauvre feuille! il n'est plus, le temps où ta verdure
Ombrageait le rameau dépouillé maintenant.
Si fraîche au mois de mai, faut-il que la froidure
Te laisse à peine encore un incertain moment!
L'hiver, saison des nuits, s'avance et décolore
Ce qui servait d'asile aux habitants des cieux.
Tu meurs! un vent du soir vient t'embrasser encore.
Mais ces baisers glacés pour moi sont des adieux.
Rêverie
Qu'importe qu'en un jour on dépense une vie,
Si l'on doit en aimant épuiser tout son coeur,
Et doucement penché sur la coupe remplie,
Si l'on doit y goûter le nectar du bonheur.
Est-il besoin toujours qu'on achève l'année ?
Le souffle d'aujourd'hui flétrit la fleur d'hier ;
Je ne veux pas de rose inodore et fanée ;
C'est assez d'un printemps, je ne veux pas d'hiver.
Une heure vaut un siècle alors qu'elle est passée ;
Mais l'ombre n'est jamais une soeur du matin.
Je veux me reposer avant d'être lassée ;
Je ne veux qu'essayer quelques pas du chemin.
Ne le dis pas
Tiens, d'un secret je veux t'instruire;
Moi j'ai peur de l'écho: je parlerai tout bas;
L'indiscret pourrait redire;
Il faut, petit ami, qu'il ne m'entende pas.
Ecoute: du rosier la feuille fugitive
Tombe et s'envole en murmurant:
La feuille fait du bruit, je serai moins craintive;
Le bruit m'a rassurée, et je tremble pourtant.
Qu'un secret fait de mal quand on n'ose l'apprendre!
Il semble qu'un lien l'attache sur le coeur.
Vois! Mon regard te parle, il est plein de douceur:
Dis-moi donc, mon ami, ne peux-tu le comprendre?
Il était prêt à se trahir,
Le secret que devrait t'expliquer mon silence:
Il s'échappait. Timide en ta présence,
Ma bouche se referme et n'ose plus s'ouvrir.
Bien tendrement la tienne a dit je t'aime!
Lorsque ce mot si doux fut prononcé par toi,
Méchant, c'est mon secret que ta bouche elle-même,
Comme un écho du coeur, t'a révélé pour moi.
Tu le connais, et peut-être parjure,
Un jour, hélas! tu le décèleras:
Petit ami, je te conjure,
Si tu le sais, ne le dis pas.
Décembre 1825, Poésies, 1827
Italie
Voyez-vous ce beau ciel, ces lacs bleus qu'il colore,
Cette neige de fleurs tombant du citronnier?
Aussi pur que le son qui fuit de la mandore,
Entendez-vous de loin le chant du gondolier?
C'est dans ce doux climat que,pour charmer la vie,
On pense avec son âme, on aime avec son coeur;
Que les grandeurs n'ont rien que l'espérance envie,
Que l'on ôte à l'orgueil pour donner au bonheur.
Mais un double parfum de fleurs et de tendresse
A pour moi vainement embaumé ton séjour,
Beau pays; tu n'as rien qui plaise à ma tristesse,
Car c'est sous d'autres cieux que j'ai rêvé d'amour.
Keepsake breton, 1832
Philosophie
Lorsque je vins m'asseoir au festin de la vie,
Quand on passa la coupe au convive nouveau,
J'ignorais le dégoût dont l'ivresse est suivie,
Et le poids d'une chaîne à son dernier anneau.
Et pourtant, je savais que les flambeaux des fêtes,
Eteints ou consumés, s'éclipsent tour à tour,
Et je voyais les fleurs qui tombaient de nos têtes
Montrer en s'effeuillant leur vieillesse d'un jour.
J'apercevais déjà sur le front des convives
Des reflets passagers de tristesse ou d'espoir...
Souriant au départ des heures fugitives,
J'attendais que l'aurore inclinât vers le soir.
J'ai connu qu'un regret payait l'expérience,
Et je n'ai pas voulu l'acheter de mes pleurs.
Gardant comme un trésor ma calme insouciance,
Dans leur fraîche beauté j'ai su cueillir les fleurs.
Préférant ma démence à la raison du sage,
Si j'ai borné ma vie à l'instant du bonheur,
Toi qui n'as cru jamais aux rêves du jeune âge,
Qu'importe qu'après moi tu m'accuses d'erreur!
En vain tes froids conseils cherchent à me confondre
L'obtiendras-tu jamais ce demain attendu?
Lorsqu'au funèbre appel il nous faudra répondre,
Nous aurons tous les deux, toi pensé, moi vécu.
Nomme cette maxime ou sagesse ou délire,
Moi je veux jour à jour dépenser mon destin.
Il est heureux celui qui peut encore sourire
Lorsque vient le moment de quitter le festin.
Oeuvres complètes d'Elisa Mercoeur de Nantes
Bibliographie
- Recueil de poésies, Nantes, 1827
- Oeuvres complètes, Paris, 1848
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L'hommage de la poétesse Rosemonde Gérard (épouse d'Edmond Rostand) à Elisa Mercoeur
Elisa Mercoeur
Lamartine disait : « Cette petite fille
Nous dépassera tous tant que nous sommes... » Quand
Le poète daigna, d’une âme si gentille,
Laisser tomber sur elle un pareil compliment,
Je m’imagine bien que tant de politesse
Exagérait un peu, ce soir-là... Mais tant pis,
J’aime mieux, pour juger la frêle poétesse,
M’en remettre à ces mots qu’à tout ce que je lis...
Au lieu de la revoir, plus tard, cherchant sans cesse
Des honneurs, des amis, du crédit, de l’argent,
Mécontente de tout : des salons, de la presse,
Des éditeurs ingrats et des lecteurs changeants ;
Au lieu de la revoir, orgueilleuse et malade,
Et mourant de savoir qu’après tant d’insuccès
Son drame le meilleur, sur un Roi de Grenade,
Ne pourra pas entrer au Théâtre Français ;
Au lieu de la revoir, misérable et transie,
Ecrivant sans relâche entre quatre murs froids,
Et comprenant enfin que toute poésie
N’est qu’un malheur de plus qui tremble au bout des doigts,
Je la revoie toujours dès que je la situe,
Dans un décor qui semble unique sous le ciel :
Il n’y a d’un côté que des fleurs éperdues,
Et de l’autre, on ne voit qu’un grand lac immortel.
Elle entre, elle sourit... son petit collier brille...
Elle a sa robe blanche et son cœur enfantin...
Et le poète dit : « Cette petite fille
Nous dépasserons tous tant que nous sommes... Rien
Ne me fait oublier la sentence divine...
Et je verrai toujours, dans ce soir enchanteur
La fillette qu’in présentait à Lamartine :
« Cher Maître, elle a quinze ans. C’est Elisa Mercoeur. »
Rosemonde Gérard, Les Muse Françaises, bibliothèque Charpentier, Paris,1941.
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Longue étude concernant Elisa Mercoeur, signée Marcelle Gaston-Martin
et publiée dans L'Archer (Mai 1930)
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Avis de décès
Publié dans le Bulletin de la Société archéologique et artistique,
Le Vieux Papier Tome 7, 1909
(cliquer pour agrandir)
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