Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Monnier (Adrienne) 1892-1955

Adrienne Monnier

1892-1955

 

 

 Direction de la revue "Le Navire d'Argent" dans les années 20


- Deux poèmes publiés dans la revue "Le Navire d'Argent, 1926

- Lire  dans Le Navire d'Argent de 1926 (février-Juin) une bien extraordinaire "Lettre à un jeune poète"

 

 

Voici, en forme de parenthèse, un extrait concernant les femmes poètes

Oserai-je vous parler de moi-même? - Comme vous, je suis pour mon bonheur et mon malheur, attirée par la poésie.

Mais sans doute parce que je suis femme, c'est-à-dire d'essence passive, habituée depuis plusieurs siècles à faire peu de cas de mon esprit et de ses "chétives productions", comme disait Hroswitha, il m'est donné plus de désintéressement, peut-être, qu'il n'en est donné à la plupart de mes frères. Comme vous, j'ai fait des poésies dès l'âge de neuf ans, comme vous, j'ai souffert un martyre, vers la vingtaine, alors que les revues auxquelles j'envoyais mes vers, je ne dirai même pas les refusaient, ç'aurait été tout de même une consolation de recevoir une de ces lettres qui commencent par la formule: "j'ai lu vos vers avec beaucoup d'intérêt, mais..." Non, comme à tant d'autres, on ne me répondait même pas...



 Miserere

 

L'âme irait à sa perte,

A la perte des pentes,

Aux pentes de la mer

L'âme irait s'endormir.

 

L'amour ferait semblant,

Semblant à sa naissance

De mourir de ses feux

Sans renaître des cendres.

 

La vie serait plus bas,

Plus bassement ourdie,

Sans atours ni soleil,

Roulée en sa misère.

 

Misère à mort es-tu,

Tué l'homme et son coeur,

Voici la flamme hagarde

Et le rire des eaux.

 


Astaroth

 

Par deux miroirs qui se font face

Je me multiplie et m'efface.

Un cortège de moi semble en de longs portiques

Attendre avec émoi l'ouverture des portes.

Si je lève le bras, une foule salue,

Et ma dernière image est la plus courtisane,

Ombre courbée et sans figure.

 

Apparais, maître redouté,

Viens fracasser de ton silence

Les plus secrètes de mes chambres!

Comme la magicienne antique

Qui tenait les dieux par ses rites,

Je te force dans ces miroirs,

Vois, je te flatte d'épouvante,

Et je te donne pour escorte,

Pressée en files régulières,

La légion revenue des guerres

Qui ne nous est plus qu'ornement!

 


COMME LA RELIGIEUSE ANCIENNE

A Simone Guye

Comme la religieuse ancienne
Qui trouvait en elle sa règle
Et, qui aidée par ses compagnes,
Etablissait une maison
Moitié ferme et moitié couvent,
J’ai fait ainsi ma Librairie.
Mais moi, je n’ai pas de Dieu !
Ce nom m’offense, me blesse
Jusqu’au cœur de mes racines,
Il m’ôte le goût de vivre,
Il arrache le bandeau
Qui recouvre cette plaie
Dont rien n’a pu nous guérir.

Quelques un de mes frères
Ont un pouvoir sur moi,
Leurs ordres me rassurent,
Je travaille pour eux,
J’oublie alors ma peine,
Je les console aussi.
Le voyageur perdu
C’est moi qui le ramène,
Je me réchauffe au feu
Que j’allume pour lui,
Je mêle à ses prières
Ma voix pleine de nuit.

in La Figure dans Les Poésies d'Adrienne Monnier p. 9

(Cité par http://saphisme.pagesperso-orange.fr/s20/monnier.html

 


 

A SYLVIA BEACH

Je te salue, ma Sœur née par-delà les mers !
Voici que mon étoile a retrouvé la tienne,
Non pas fondue au feu du soleil primitif,
Mais vive, exacte et neuve en sa grâce étrangère,
Prodigue des trésors amassés en son cours.

Je chantais solitaire, attentive aux promesses
Que notre Mère écrit dans le regard des hommes,
L’éclat des diamants et l’orient des perles.
Je cachais en mon sein, comme un oiseau fragile,
Le bel espoir craintif qui se nourrit des miels.
Je vouais aux pudeurs, linges blancs et croisés,
La naissante pensée qu’on baptise de pleurs.
Je me sauve, à présent, oh ! ma Sœur, par tes soins,
De ces tourments, de ces regrets, de ces faiblesses !
La force me revient, et si j’aime la Nuit,
Si j’interroge encor ses dernières terreurs,
C’est pour mûrir la paix d’un jour définitif.
Déjà, Midi nous voit, l’une en face de l’autre,
Debout devant nos seuils, au niveau de la rue,
Doux fleuve de soleil qui porte sur ses bords
Nos Librairies.
Midi lève nos mains, déliées du service,
Pour l’appel des repas, pour le temps des silences,
Et fait étinceler, sous le jeu de leur signe,
La flamme encor cachée au cœur de nos pays.


in La Figure dans Les Poésies d'Adrienne Monnier p. 36 (Cité par Saphisme...

 




14/09/2011
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 157 autres membres