Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Murat (Amélie)

Amélie Murat

 

La bonne hôtesse

A nos amis suisses.

 

Meurtris de lassitude, accablés de détresse,

Blêmes d'avoir connu l'exil, le froid, la faim,

vers la terre natale, ils reviennent enfin:

"Reposez-vous chez moi..." s'émeut la Bonne Hôtesse.

 

Chacun des siens accourt, s'ingénie et s'empresse;

Il ne faut pas qu'un seul appel demeure vain:

Grands blessés courageux, voici l'huile et le vin,

Prisonniers, respirez des fleurs, de la tendresse!

 

Ce que tu fis alors pour ces enfants perdus,

Déjà réconfortés quand tu les as rendus,

O Suisse généreuse, ils l'ont dit à la France...

 

Ils l'ont dit à leur Mère auguste, et celle-ci

Se retourne en son champ de gloire et de souffrance,

Pour acclamer ton geste et s'écrier: "Merci!"

 

Les sonnets de la guerre, 1906

 

 

Jeux de héros

- 1 -

 

Maintenant revenus de la grande Aventure,

Endommagés d'un coup trop rude ou trop fatal

Pour garder place au mur de chair et de métal

D'où l'on voit se lever la Victoire future;

 

Dans la cour verdoyante et la bonne clôture

Du paisible couvent qui leur sert d'hôpital,

Ils passent leurs loisirs, n'ayant presque plus mal,

A quelque jeu naïf, où leur force s'augure.

 

Oui, ces héros qu'on vit, sous le fer et le feu,

Perdre leur beau sang rouge à la face de Dieu,

Puis pâlir de douleur muette, au fond des chambres;

 

Comme si rien - après ce coup - ne leur manquait,

Du charme de la vie et de l'aide des membres,

S'amusent à pousser des boules de croquet!

 

Les sonnets de la guerre, 1916

 

 

Jeux de héros

II

 

L'un, tour à tour, se raille, et boude, et se querelle,

Parce que, du bras gauche, il n'est pas fort adroit:

La France, un jour d'alerte, eut besoin du bras droit...

Mon Dieu, c'était encor très peu donner pour Elle!

 

Un autre, - la capote ondule à son flanc grêle, -

De sa béquille, met la boule au bon endroit,

Et, content des bravos auxquels il a bien droit,

A cloche-pied, paraît jouer à la marelle.

 

Voici glisse le voile aérien des soeurs...

Le joli ciel de mai repose ses douceurs

Sur la cour lumineuse, et fraîche, et reverdie,

 

Où, gais et courageux - tels qu'aux lignes du front -

Les jeunes mutilés disputent leur partie,

Comme de grands enfants héroïques, qu'ils sont!

 

Les sonnets de la guerre, 1916

 



16/03/2014
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 165 autres membres