Murat (Amélie), 1882-1940
Amélie Murat
(1882-1940)
Voir les pages de site consacrées à Amélie Murat par le cercle de Clermont-Ferrand,
Portraits (extrait)
J'ai bien souvent scruté le regard des portraits
Qui dédaignent, contraints à l'exil du musée,
La foule, d'un détail ou d'un nom amusée,
- Morts attentifs frôlés par des vivants distraits...
Frères ennemis
J'ai pour les animaux, captifs ou vagabonds,
Faibles ou forts, charmants ou laids, méchants ou bons,
Le coeur tout fraternel de Saint François d'assise...
Et sous un ciel mêlé de lumière et de brise,
Pareil au ciel d'Ombrie, où le Poverello
Lorsqu'il marchait pieds nus, exhortant sa soeur l'Eau,
Discernait un reflet de l'angélique fête,
Je les voudrais voir vivre en une paix parfaite.
C'est pourquoi je m'afflige, ô mon frère le Chien,
De convenir que vous, doux, franc, presque chrétien,
Aveuglé par l'éclair d'une haine de race,
Nepouvez rencontrer sans lui donner la chasse
Notre frère le Chat, compagnon de logis.
Et vous, le Chat, malgré vos instincts assagis
Par la sécurité d'une honnête existence,
Vous, gorgé de bien-être, accablé de pitance,
Mais trouvant à la proie un farouche intérêt,
Je sais que vous guettez la Mésange, tout prêt
A déchirer d'un coup de dent, d'un coup de griffe,
Son joli corps tremblant que la peur ébouriffe...
Mais quoi! vous-même, avec vos mines de douceur,
O vous, Mésange bleue, ô vous, petite soeur,
N'êtes-vous point à couvert d'un semblable reproche:
Car votre bec, aigu comme un éclat de roche,
Forant le sol, le tronc, la feuille en maint endroit,
Détruit l'insecte obscur, - et qui pourtant endroit,
Détruit l'insecte obscur, - et qui pourtant a droit
A son moment d'amour, de soleil et de vie!
N'est-ce donc pas assez que la haine et l'envie
Chez vos maîtres chagrins et durs portent leurx maux?
Faut-il encor que vous, les simples animaux,
Vous combattiez sans cesse à l'exemple des hommes?...
Ah! Seigneur, dans l'extrême indigence où nous sommes,
Faites tomber du van large et doré du ciel
La manne au frais parfum de froment et de miel,
Qui nous rassasiant chaque jour, nous délivre
De la nécessité rigoureuse de vivre...
Et que nous, vos enfants, avec ces compagnons
Qu'en notre pauvre orgueil humain nous dédaignons,
Pratiquant le conseil légué par vos apôtres,
Nous nous aimions enfin, Seigneur, les uns les autres!...
Haï-kaï pour l'hiver
Pronostic
La chatte en pelote
Se dévide par la chambre
Neige pour demain.
Première neige
Tout en blanc, la Ville
Avec le seigneur Hiver
Célèbre ses noces.
Lune de neige
Au clair de la lune,
Le village a sur les toits
Tendu sa lessive.
Vitrage
Pendant mon sommeil,
Quelle fée a sur la vitre
Brodé son jardin ?
Gel
Bavarde fontaine,
Le gel gardien du silence
T’ a cloué le bec !
Nuées
Le soleil malade
Quittera t-il aujourd’hui
Son lit de nuages ?
Cloches sans clochers
Cloches dans la brume,
De quelle Ys ensevelie
Montent vos appels ?
Intérieur
Le chat qui ronronne,
La bouilloire au feu qui chuinte :
Le bonheur mijote...
Poésie c'est délivrance
Publié dans La Muse Française, 1923
Paru dans La Muse Française (1922)
Publié dans
La Muse Française (10-07-1924)
Anthologie des matinées poétiques de la Comédie Française, Tome II
Louis Payen, 1927
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