Nancy Huston
Nancy Huston
Création... Procréation
Nancy Huston et la (pro)création féminine
Lire le Journal de la création (1990)
C'est sans doute l'auteure qui a interrogé avec la plus grande sévérité mais aussi la plus grande lucidité la notion de "création artistique", mythe masculin qui installe à peu d'exception près le règne exclusif de l'artiste mâle tel qu'il se caricature lui-même chez Baudelaire: "La femme ne sait pas séparer l'âme du corps. Elle est simpliste, comme les animaux. Un satirique dirait que c'est parce qu'elle n'a que le corps." "Etre un grand homme et un saint pour soi-même, voilà l'unique chose importante." (Mon coeur mis à un)
Voici, en attendant plus et mieux, quelques formules de Nancy Huston qui m'apparaissent comme une libération car elles éclairent dorénavant mes interrogations concernant la "création féminine" . Peut-être faudrait-il abandonner ce pseudo-concept de "création" dont la prétention n'a d'égal que le ridicule de ces petits hommes qui l'arborent comme une médaille attestant de leur supériorité.
Les institutions patriarcales
Les institutions patriarcales ont privé non seulement les femmes de leur âme, mais les hommes de leur chair, et il faudra bien longtemps avant que les artistes ne deviennent des êtres pleins, non mutilés et non envieux. Avant que les femmes ne cessent de s'amputer de leur maternité pour prouver qu'elles ont de l'esprit...
Le complexe de Jésus-Christ
Contrairement aux petites Oedipe, les petits Jésus n'ont pas besoin de tuer leur père et de coucher avec leur mère. Leur père est déjà mort (ou radicalement absent), et d'autant plus facilement idéalisé, c'est-à-dire transformé en Idée. (...) L'absence du père évite au fils d'avoir à se confronter à l'image traumatisante de la mère érotique, l'autorisant dès lors à se croire le produit d'une parthénogenèse. Adolescent, il peut jouer auprès de la mère le substitut du Père (je pensé non seulement à Sartre, mais à Baudelaire, Albert Cohen, Elisa Canetti, Roland Barthes...), et se vivre comme le croisement d'un corps de femme immaculé avec le Saint-Esprit. Il rejettera pour lui-même le mariage et l'enfantement, vouera un amour éternel à sa mère, et témoignera d'un mépris plus ou moins mêlé d'horreur pour toutes les autres femmes - qui, elles, porteront toute la charge de l'existence physique, depuis la boue jusqu'à l'érotisme. (Le Christ lui-même, soit dit à sa décharge, manifestait moins cette dernière tendance que ceux qui pensent par son "complexe")
Sur la "femme abominable" de Baudelaire
La femme n'est "abominable" que parce qu''elle dit, trahit (est, en tant que mère) la vérité de l'homme: parlant, désirant, vivant, chiant, saignant, pleurant, mourant, sachant. Cette vérité n'est "abominable" que pour ces créatures éminnement étranges qui ont besoin de croire que l'Homme (l'homme) est, n'est que, langage et transcendance."
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