Medvedkova (Olga) années 2000
Olga Medvedkova
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La Kabbale
(poème français)
La pierre posée projette une ombre,
Dans sa fraîcheur humide et sombre
Une plante pousse, de fleurs parée.
Ses branches souples et suaves
Attirent une chèvre aux cornes dorées,
Aux petits sabots liés d’entraves.
Entre ses longues lèvres douces
La plante aux souples branches qui pousse
A l’ombre de la pierre devient
La nourriture de l’enfant.
L’homme vient et prend le lait de chèvre
Au goût un peu amer et mièvre
De cette plante aux branches fières,
À l’ombre fraîche de la pierre.
Il porte le lait à son enfant,
Qui trempe dedans ses lèvres douces,
Et se nourrit en le buvant
De souplesse des jeunes pousses,
De fraîcheur humide de terre,
De la solidité de pierre.
Ainsi il pousse sans malice,
Et dans son corps son âme se tisse,
De la souplesse et de fraîcheur,
De la solidité de cœur,
Qui finalement par voie de lierre
Accède au lait de la prière.
Sa douce voix s’adresse aux cieux –
Ainsi la pierre parle à Dieu.
En lisant Catulle.
I.
L’espoir le plus ardent
Et le désespoir le plus odieux …
Est-ce possible de les ressentir en même temps ?
Descendre au fond de l’abîme
En montant au plus haut des cieux ?
Quelle réponse à cela ? Je ne la connais point.
Mais les éprouve tous les deux,
Là même, à l’instant en plongeant
Dans tes yeux sans aucune précaution.
II.
Etre, à la fois, une reine à la salle de festin
Et une esclave muette oubliée à la porte,
Sans permission de quitter cette porte néanmoins:
Voilà où j’en suis ! Les deux à la fois ! Comment ?
Est-ce possible ? Je ne le sais point.
Mais c’est la torture que j’endure.
Pline l'Ancien
Les Rois tournent les roues, pleins de rage,
Grincent les Princes, avides des prodiges,
L'Histoire s’avance, entourée de ses Mages,
Rome s'érige sur ses propres vestiges.
Mais pleure l'historien, enfermé dans la cage
Des présages funestes et du corps qui se fige.
Florence, capella Pazzi.
A Philippe
C’est l’entonnoir du vin qui coule
Et se mélange avec le lait.
C’est l’œil du roi qui te regarde
De la hauteur de son palais.
Tu grimpes, tu grimpes.
Lui, creuse la voie.
Et ton ardeur lui sert de proie.
Quand la coquille lui sert de voile,
Ce haut cyprès lui sert de mat.
Alors que son meilleur appât –
Cet ange qui dort sur la dalle.
La femme de Loth
Tiens ! D’immenses dimensions
Démence.
Denses tensions d’enfance.
D’anses et de panses la danse.
Cesse de penser ! Avance !
Ne te penche pas en arrière !
Mince ! Zut ! En absence
De sens, chut !
Une prière…
Traductions
(du russe au français)
Anna Akhmatova
Le vingt-et-un...
Двадцать первое. Ночь. Понедельник.
Очертанья столицы во мгле.
Сочинил же какой-то бездельник,
Что бывает любовь на земле.
И от лености или со скуки
Все́ поверили, так и живут:
Ждут свиданий, боятся разлуки
И любовные песни поют.
Но иным открывается тайна,
И почи́ет на них тишина…
Я на это наткнулась случайно
И с тех пор всё как будто больна.
1917
Le vingt-et-un. Une nuit. Un lundi.
De la capitale sont en brume les contours.
Un certain paresseux a dit,
Que sur terre existe l’amour.
Et par ennui ou par indolence
Tout le monde crut et la vie prit son cours :
Ils attendent les rencards, craignent l’absence
Et chantent des chansons d’amour.
Mais à certains le mystère se déclare,
Et se repose sur eux le silence…
Je suis tombée là-dessus par hasard
Et depuis lors je suis comme en souffrance.
Des armées d'odes,... (1940)
Мне ни к чему одические рати
И прелесть элегических затей.
По мне, в стихах все быть должно некстати,
Не так, как у людей.
Когда б вы знали, из какого сора
Растут стихи, не ведая стыда,
Как желтый одуванчик у забора,
Как лопухи и лебеда.
Сердитый окрик, дегтя запах свежий,
Таинственная плесень на стене...
И стих уже звучит, задорен, нежен,
На радость вам и мне.
1940.
Des armées d’odes, je n’ai point que faire,
Du charme des caprices élégiaques.
Tout doit être pour moi mal à propos en vers,
Pas comme chez d’autres gens.
Si vous saviez seulement de quelles balayures
Poussent les vers, toute honte mise à bas,
Comme un pissenlit jaune sous la clôture,
Comme la bardane et le réséda.
La sévère apostrophe, du goudron frais l’odeur,
Au mur, les traces mystérieuses d’humidité…
Et le vers sonne déjà, tende et persifleur,
Nous comblant de gaité.
(Traduit du russe par Olga Medvedkova).
Marina Tsvetaieva (1892-1941)
Combien sont-ils déjà tombés dans cet abîme
1913
Уж сколько их упало в эту бездну,
Разверзтую вдали!
Настанет день, когда и я исчезну
С поверхности земли.
Застынет все, что пело и боролось,
Сияло и рвалось.
И зелень глаз моих, и нежный голос,
И золото волос.
И будет жизнь с ее насущным хлебом,
С забывчивостью дня.
И будет все - как будто бы под небом
И не было меня!
Изменчивой, как дети, в каждой мине,
И так недолго злой,
Любившей час, когда дрова в камине
Становятся золой.
Виолончель, и кавалькады в чаще,
И колокол в селе...
- Меня, такой живой и настоящей
На ласковой земле!
К вам всем - что мне, ни в чем не знавшей меры,
Чужие и свои?!-
Я обращаюсь с требованьем веры
И с просьбой о любви.
И день и ночь, и письменно и устно:
За правду да и нет,
За то, что мне так часто - слишком грустно
И только двадцать лет,
За то, что мне прямая неизбежность -
Прощение обид,
За всю мою безудержную нежность
И слишком гордый вид,
За быстроту стремительных событий,
За правду, за игру...
- Послушайте!- Еще меня любите
За то, что я умру.
***
Traduction
Combien sont-ils déjà tombés dans cet abîme
Creusé à la frontière !
Le jour viendra quand je disparaîtrai de même
De la face de terre.
Se figera tout ce qui chantait en ivresse,
Rayonnait, impétueux,
Le vert de mes yeux et la voix de ma tendresse,
Et l’or de mes cheveux.
Et il y aura la vie et son pain essentiel,
L’oubli de la journée.
Il y aura tout comme si sous ce pauvre ciel
Je n’avais pas été !
Comme un enfant changeant dans chacune des mines,
Si brièvement grognon,
Aimant cette heure quand le bois dans la cheminée
Se transforme en charbon.
Cavalcades sylvestres et le violoncelle,
La cloche du village…
Il n’y aura plus de moi, si vive et réelle,
Sur ces tendres rivages !
À vous, vous tous – pour moi, ignare des distances,
Chacun proche à son tour ! –
J’adresse l’exigence de confiance,
Prière de l’amour.
De jour comme de nuit, en parole et en prose,
Pour un oui, pour un non,
Parce que très souvent – je suis si malheureuse –
Parce que j’ai vingt ans,
Parce que ma réponse inéluctable –
Le pardon des blessures,
Pour toute ma tendresse incomparable,
Et pour mon air trop sûr,
Pour la rapidité des faits qui s’évaporent,
Pour le faux et le vrai,
Écoutez-moi! Aimez-moi tous, encore,
Parce que je mourrai.
(Traduit du russe par Olga Medvedkova)
Traduction
(du français au russe)
Bientôt sur cette page
Francis Blanche
Le carnaval des animaux
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