Olivier (Pascale (vers 1930-1950)
Pascale Olivier
(vers 1930-1950)
Aucune information biographique sur cette poétesse qui a publié "Proses" en 1946 et "Un chant sur la terre" en 1951. Quelqu'un en saurait-il un peu plus sur cette attachante poétesse?
Plusieurs poèmes en prose sont cependant disponibles dans la revue "Le Divan" (année 1939, Gallica), sous le titre d'"Impressions". En voici quelques-uns.
Lire désormais le commentaire d'Anne Laurence Cadier en bas de page
1 - Le moulin à vent
L'océan, d'une caresse brutale, lui saute parfois au flanc, et la tempête lui apporte en don merveilleux le corps des petits oiseaux épuisés, leurs ailes délicates trempées par les embruns, rompus par trop d'espace.
Ses ailes à lui, leur ombre s'étend sur le sable comme les mâts démantelés d'un navire en perdition.
L'une est brisée net; l'autre menace le ciel comme un poignard nu; la troisième porte encore un lambeau de toile battant au vent comme une feuille qui ne peut se résoudre à mourir; et sur la dernière, un grand oiseau blanc crucifié scintille et palpite comme une étoile tombée...
2 - Loire
La touterelle qui se hâte vers l'Ouest, et le fleuve qui l'accompagne, portent tous deux la livrée mélancolique du soir et de l'automne.
Le fleuve, lui, s'en va rejoindre, à la limte de l'horizon, le ciel couleur colchique.
Mais l'oiseau, où se jettera-t-il, quand il aura perdu son reflet aigu, déjà presque effacé?...
3 - Le chien des rues
Fox? cocker? griffon, peut-être, ou caniche... Basset, à coup sûr... Tout cela semé, mêlé à tous les vents et poussé dru, la bonne graine!
On peut, à chaque coin de rue, le rencontrer dans ses tournées d'inspection, le nez vif, l'oeil entendu. La queue portée comme un trophée: le voir jaillir de chaque botte ménagère, un os au bec comme le cigare d'un boyard, toutes les ordures du village suspendues à sa barbe. Sa sauvage toison s'agrémente volontiers des vestiges de la paille ou du foin dans lesquels il a passé la dernière nuit, et son postérieur, mainte fois, brille de la bolée des d'eaux grasses que lui a rapportée son zèle auprès d'une amie trop bien gardée. Car il s'arroge le droit de cuissage sur toutes les femelles des environs, y compris, si l'on n'y veille, les donzelles à pedigree et manteau festonné...
Une cité entière lui donne nourriture, gîte et paisir. Rien ne lui manque, en somme.
... Rien? Et cela que devine son âme faite pour la tendresse, et que cherchent au visage des passants ses yeux suppliants dont l'inquiétude n'a jamais reçu de réponse?
6 - Le pont en dos d'âne
D'un jet, la courbe de l'arche franchit la rivière, son flanc rayonne d'un lichen éclatant comme cri de joie, et le soleil est tendre aux pierres qui s'effritent.
A trois pas de là, le petit âne médite. Il est trop vieux pour brouter sans cesse - ou peut-être est-il attaché trop court, tout simplement...
Le soleil serait doux, aussi, à son flanc, mais les mouches ne le laissent pas goûter en paix cette caresse.
Mieux vaut ne pas le regarder. Il ne le mérite pas, car il est sale et morne, et sa présence dans ce paysage est un défi au bon sens lui-même.
Quel rapport y a-t-il, je vous le demande, entre son dos ensellé, entraîné vers la terre par le poids du ventre en ballon, écrasé par la multitude des faix, son dos rapé, cuisant comme un reproche, et la courbe charmante, envolée, du pont façonné de soleil?
8 - Nuage
Cette plume de fine cendre par le plomb arrachée au flanc du ramier, n'est-ce pas elle, encore balancée sur les ondes du couchant, et trempée d'une mystérieuse gloire?
Dans le même numéro du Divan, 7 poèmes en vers libres...
3 - Je sais bien...
Je sais bien, je sais bien, l'hiver est déjà proche
un autre hiver prêt à me dépouiller,
à m'arracher le souvenir même du soleil...
Pourtant, voici le flot des feuilles mortes sur la terre,
leur rumeur de marée autour des chevilles,
voici le vent d'est qui déferle
aux plus hautes cimes des pins,
avec un bruit de vagues et d'été,
voici le ramier couleur du temps,
cendre perdue au ciel de cendre,
et voici la première flamme
sa brutale caresse à nos deux yeux penchés,
et cette ombre inconnue, massée derrière nous,
cette silencieuse présence de l'ombre,
qui nous isole, et nous protège...
4 - Un oiseau passe...
Un oiseau passe, et plonge à l'horizon,
un souffle naît, on ne sait où;
il s'empare des branches où luit encore l'averse,
emporte le dernier nuage
et le fait fleurir au zénith...
Ouvre les yeux - pour une fois, ouvre les yeux...
peut-être verras-tu la trace de l'oiseau,
le chemin qu'il creuse à même l'espace;
peut-être verras-tu le sillage du vent,
son arabesque éblouissante
d'arbre en arbre et d'un horizon à 'autre déroulée...
peut-être verras-tu ce qui est caché aux hommes:
l'aile passante du silence,
le porche ouvert entre ce monde et l'autre monde,
le sourire de ceux que tu nommes les morts,
et leur geste vers toi; et cet amour dont ils te gardent,
toi dont l'aveuglement les repousse et les blesse,
- et près de toi, si près de ton coeur,
peut-être verras-tu la présence de Dieu...
7 - Rien que la présence
Rien que la présence du vent dans les feuilles,
rien qu'un oiseau presque assoupi qui songe à demi-voix
rien que le sillage du jour
au bord extrême de la terre,
rien qu'un reflet d'étoile dans la brume...
D'où te vient donc, ce soir,
coeur, veilleur las, dans ton obscurité,
cet instant jaillissant d'harmonie et de lumière?
Autres poèmes publiés dans la revue "Le Divan", année 1938.
(Lien vers l'ensemble des poèmes)
Voici l'un d'eux.
Ete
Est-il né du désir de la terre,
ou de l'ardeur d'un azur trop nu,
ce lent rapace
écartelé sur l'arc inflexible des ailes,
qui, sans troubler la soie de l'air,
ni même heurter le silence,
d'un tournoiement sans fin s'arrache du zénith
orbe après orbe menaçant,
comme pour mieux clouer au sol son ombre fascinée...
Voici un article critique publié dans le numéro "La Proue" daté de 1937
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