Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Platbuisson (Madame de) (? - Début 18ème?)

Madame de Platbuisson

((? - Début 18ème)

(Extraits de L-E Billardon de Sauvigny. Le Parnasse des Dames. 1773.)

 

 Quatrain épigrammatique

 

Où peut-on trouver des amants

Qui nous soient à jamais fidèles?

Je n'en sais que dans les romans,

Ou dans les nids des tourterelles.

 

 

Sur le retour de l'hiver.

 

Tombez, feuilles, tombez; la nature l'ordonne.

L'hiver s'en va bannir les beaux jours de l'automne.

Déjà les aquilons, des plus lointaine climats,

Ramènent en ces lieux la neige et les frimas.

Nous les verrons bientôt désoler nos campagnes

Et couvrir les sommets des plus hautes montagnes.

Les saisons tour à tour font le cercle des ans,

Et l'homme infortuné sent tous leurs changements.

C'est en son propre sein, théâtre de la guerre,

Que règne le désordre, et non pas sur la terre;

Car lorsque la raison sait régler ses souhaits,

Il s'acommode au temps et vit toujours en paix:

Mais on peut rarement (ôserai-je dire?)

Etablir la raison dans ce petit empire:

L'injuste ambition, les violents désirs,

Le tyrannique amour, les frivoles plaisirs,

Tout s'oppose au pouvoir de cette grande reine,

Et, par les sens trompeurs, elle est mise à la chaîne.

Les plus sages enfin ne le sont qu'à demi.

Chacun porte en son coeur son plus grand ennemi.

On se trompe soi-même, on se flatte, on s'excuse,

Un intérêt caché sans cesse nous abuse;

Et sans nous bien connaître, et sans nous corriger,

Nous ne changeons jamais et voulos tout changer.

 

 

Epitaphe d'un caméléon

(Il s'agit du caméléon de Mademoiselle de Scudéry)

 

En ce lieu fut la sépulture

D'un qui fut surpris par la mort.

Passant, apprends son aventure

Avant que de plaindre son sort.

A l'Egypte il dut sa naissance,

Mais un désir ambitieux,

Sitôt qu'il fut hors de l'enfance,

Lui fit abandonner ces lieux.

Ses aïeux, tous couverts de gloire,

Rois des changeants caméléons,

Faisaient remonter leur histoire

Jusqu'au premier des Pharaons.

" L'illustre lieu de ma naissance

Qui, dit-il, eut tant de renom,

N'est donc plus que la récompense

D'un Pacha barbare et sans nom."

 

Son petit courage héroïque

Ne lui laisse plus de repos,

Il abandonne son Afrique,

Et cherche partout un héros.

 

Il prend sa compagne fidèle,

C'était un présent de l'Amour;

Il n'aurait jamais pus sans elle

Trouver aimable aucun séjour.

 

D"une même ardeur animée

Elle le suit, et le hasard

Les présente à la Renommée,

Qui prenait haleine à l'écart.

 

"Où sont, disent-ils, ces grands hommes

Que partout vous ôsez vanter?

Petits animaux que nous sommes,

Nous voulons chez eux habiter.

 

Allez, dit-elle, allez, en France;

Cet Empire est si florissant,

Que de jour en jour sa puissance

Fait trembler celle du Croissant.

 

Le grand Prince qu'on y révère,

Qui partout est si redouté,

A su joindre au bel art de plaire

La plus auguste majesté.

 

Vous dirai-je les avantages

Que possède le nom Français?

Chez eux l'on trouve plus de sages

Qu'en Grèce on n'en vit autrefois.

 

Cette Sapho si renommée

Qui faisait sa gloire jadis,

Ne fut jamais tant estimée

Que la Sapho de leur pays.

 

Mettez-vous tous deux sur mes ailes;

En France je vous conduirai,

Et si vous êtes fidèles,

A Sapho je vous donnerai."

 

Ils prennent cette heureuse voie,

Impatients d'être à Paris.

Sapho les reçoit avec joie;

Ils sont les petits favoris.

 

Chez cette maîtresse charmante

Ils passèrent leurs pleurs plus beaux jours;

Mais la fortune est inconstante;

On ne peut être heureux toujours.

Cette impitoyable Déesse,

La mort, qui cause tant de deuil,

Et qui suit toujours la tristesse,

En précipite un au cerceuil.

 

Sapho s'écria de colère,

Cachant le vivant dans son sein,

"Pour moi ce n'est pas une affaire,

D'arracher les morts de ta main".

 

L'effet suivit cette menace;

Elle ordonna dès ce moment

A tout l'Empire du Parnasse,

De le tirer du monument.

 

Deux jours apr!s, de l'onde noire,

Ou plutôt de ce vain tombeau,

On le vit sortir plein de gloire,

Et bien plus brillant et plus beau.

 

L'Egypte lui donna la vie,

La France l'arrache à la mort;

A qui d'elle ou de sa Patrie

Rendra-t-il grâce de son sort?

 

 

 

 



29/05/2011
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 156 autres membres