Pomès (Mathilde) 1886-1977
Mathilde Pomès
1886-1977
- Amie de Valéry, Montherlant etc...
- Traductrice (littérature espagnole, en particulier Gabriela Pomès)
- Correspondance avec Jules Supervielle (en ligne), bibliothèque d'Oloron
- Eléments de biographie dans l'ouvrage de Jean-François Domenget
(Corymbes...)
Corymbes durcis au gel
sur les festons du lierre;
corail ridé, couleur terre,
sur la hampe du cruel
églantier sec; brune ombelle
du carvi; verre filé
comme de balle de blé
du gramen; sans doute l'aile
spongieuse du brouillard
a laissé sur vous sa trace
qu'à l'improviste ainsi passe,
déjouant l'épais rempart
de tiédeur et silence,
un floconnement d'hiver
dans la chambre close où l'air
soudain prend ce goût d'absence
des jours gris où les voliers
jalonnant leur statégie
de longs cris de nostalgie,
faisaient les coeurs prisonniers
s'altérer de soif de palmes,
terrasses, azur sans fond,
où des astres plus clairs vont
par des orbites plus calmes
vers quelque ciel plus propice.
Incertitude
A l'heure trouble où les songes
en suspens dans l'épaisseur
de la chair, à leurs mensonges
font ces bizarres figures
que la fièvre voit au coeur
des marbres ou les chinures
de la courtepointe, encor
prise à la glu d'un sommeil
que dilue et décolore
un vague venir d'éveil,
je ne sais, à la dérive,
lequel attend d'entre nous
l'autre, ni sur quelle rive;
je ne sais plus si c'est vous
qui mourûtes ou si moi;
je ne sais, raide de froid,
ce bras, et raide de crampe
qui se détend sous ma tempe,
s'il est votre bras sans vie
en quête de ma chaleur
ou bien mon bras que convie
l'appel mort de votre coeur.
(Noire félicité...)
Noire félicité! Te ressaisir,
Couler encore par l'affre d'absence
Dans cet immense vide que l'immense
Aimer comble plus loin que ni désir
Ne peut aller, ni regret, ni deuil d'âme,
Ni reniement de soi, ni soif d'oubli,
Ni le voeu véhément d'être aboli
Comme l'est un insecte dans la flamme.
Cette abolition ah! sans retour
A-t-elle un ciel sans astre pour demeure,
Une nuit sans défaut en quoi n'affleure
Nulle diffuse promesse de jour?
Minute
Drue et si pleine et pourtant ressentie
Telle fissure et crissement subtil
De cristal qui se rompt; avec ton fil
Aigu de temps qui me faisait partie
Entre moi-même et moi, sans hésiter
Je t'ai connue, alors, tout interdite
Et fascinée au seuil de l'insolite,
Que je tremblais de changer, de quitter
La coutume de moi. Froid de la joie,
Vertige de ce vide qui se tord
Au-dessus de la flamme qu'un trop fort
Souffle a pliée et renaît et s'éploie
En ardent tourbillon spire de feu,
Tu réduisais sous ta vrille mortelle
L'âme évidée, et plus rien qu'étincelle,
A crier grâce, sans songer qu'un dieu
Se tenait à l'écoute de ton voeu.
(Coeur débordé...)
Coeur débordé, rebelle à l'espérance,
Tenté de contenir au creux recès
Où ne tiendrait pas un oiseau l'excès
De tout ce que ne vêt point l'apparence;
Va, ne bats pas si fort. A ton muet
Appel ne répondra pas cette unique
Voix où tu crois entendre la musique
Intelligible enfin du grand secret
Qui te travaille, te point et t'enivre,
D'un tel secret, le nom n'est pas celui
Que tu voudrais lui donner, c'est celui
Du lancinant et très cher mal de vivre.
Poèmes extrait de "La Grande Année", Chez l'auteur, Paris, 1963
Martinets
Ivres
d'azur,
guivres
de cris
roulant sur
les replis
clairs
de l'air ;
flèches d'aile,
traits en grêle
contre cibles
invisibles ;
infaillibles
coeurs battants
la mesure
du délire ;
têtes sûres
en avant
par la spire
des vertiges ;
vos voltiges,
martinets :
les prestiges
de l'abstrait.
Poème publié sur la page de lieucommun.canalblog
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