Quarré (Antoinette) 1813-1847
Antoinette QUARRE
(1813-1847) - La Muse de Dijon". Poétesse lingère, encouragée par Lamartine.
- Lire le méchant portrait qu'en dessine Flora Tristan dans son "Tour de France" (2ème paragraphe) Elégie
Oh ! s'il m'était donné d'être brillante et belle,
D'avoir de longs cheveux en noirs anneaux flottants,
Et de riches joyaux où la perle se mêle
Aux rubis éclatants ;
Une taille élancée, aux formes ravissantes,
Au doux balancement, au contour gracieux,
Et puis de frais atours, des robes élégantes
À longs replis soyeux ;
L'éclat d'un noble nom, l'attrait plus cher encore
D'un regard enchanteur par l'amour embelli,
Aussi pur que les cieux quand l'astre qui les dore
Sur le soir a pâli ;
Et de vastes salons, où, joyeuse et parée,
Régnant sur tous les coeurs de mes charmes épris,
Je verrais, dans les yeux de la foule enivrée,
Mes triomphes écrits !
Puis je voudrais avoir, au rang de mes conquêtes,
Des héros, des vainqueurs, beaux de gloire et d'amour,
Des princes conviés à mes brillantes fêtes,
Et des rois à ma cour.
Mais, pour tous ces amants insensible et sévère,
À celui que j'aimais gardant toujours ma foi,
Aimante avec lui seul, avec les autres fières,
Je serais toute à toi !
Et mon coeur, dédaignant la royale tendresse,
L'amour des nobles ducs et celui des guerriers,
Pour un de tes baisers ou pour une caresse,
Donnerait volontiers
Ces biens dont la pensée est trop peu pour mon âme,
Tous ces dons éclatants, pleins de frivolité,
Et ne voudrait garder que d'une simple femme
La touchante beauté.
A UN FILS
Que de fois j'ai rêvé, seule hélas ! sur la terre,
Un ange aux blonds cheveux qui me nommait sa mère,
Un enfant blanc et rose entre mes bras couché,
Jeune être souriant au soleil, à la vie,
Unique et cher espoir de mon âme ravie,
Trésor où mon amour se serait épanché !
Je le voyais déjà grandir dans ma pensée,
Comme un jeune arbrisseau dont la tige élancée
S'élève avec orgueil sur le sol maternel ;
Et mon �il attentif aimait à voir son âme
Briller naïve et pure en ses regards de flamme,
Comme un reflet du ciel.
Ardent, et de ses jeux épris avec ivresse,
Si sa fougue parfois alarmait ma tendresse,
J'étais heureuse aussi quand, lui tendant la main,
Sur le seuil s'avançait quelque vieillard timide,
Et j'embrassais mon fils qui venait, l'�il humide,
De courir vers le pauvre et lui donner son pain.
Mon fils, mon seul amour, mon espoir et ma joie,
Dont la jeune raison chaque jour se déploie,
Qui déjà sait comprendre et graver dans son coeur
Qu'on doit amour à Dieu, qu'il frappe ou qu'il bénisse,
Indulgence à son frère, horreur profonde au vice,
Et pardon à l'erreur.
Quand ma voix, faible écho de notre belle histoire,
S'essaye à lui conter quelque scène de gloire,
Un sympathique orgueil l'enflamme à mon récit ;
D'un feu plus éclatant son regard étincelle,
Et tout trahit déjà, dans ce corps tendre et frêle,
Une âme neuve et forte où la vertu grandit.
Mais si je peins la France à l'étranger vendue,
De son char triomphal renversée, et, vaincue,
Pleurant la trahison de ses enfants ingrats,
Veuve de son héros, reine découronnée....
Il me dit rougissant de la voir profanée :
Mère, oh ! n'achève pas.
Mais le temps a volé : de l'enfant qui s'efface
L'homme au front rayonnant vient de prendre la place ;
Qu'il est noble, superbe, et que de majesté !
Tel devait être Adam sortant des mains divines,
Quand les anges, ravis aux célestes collines,
Descendaient vers Eden, admirant sa beauté.
La Vierge à son aspect s'étonnant d'être émue,
Sent palpiter son c�ur, rougit, baisse la vue,
La relève aussitôt pour le suivre de l'oeil,
Et moi que ses vertus, ses succès, rendent fière,
Je le contemple alors, et trop heureuse mère,
Je m'enivre d'orgueil.
Sans regrets maintenant, je puis quitter la vie,
Car mon fils est un homme et ma tâche est remplie,
Et je m'endormirai paisible sur son coeur :
Lit doux à mon repos, sans tache, sans souillure,
Que n'a jamais flétri, sous son ardeur impure,
D'un coupable désir le souffle corrupteur.
Va ! si pour toi les jours sont féconds en orages,
Si ton bel horizon s'obscurcit de nuages,
Et que tes yeux en pleurs cherchent en vain les cieux,
Tu porteras toujours, pour vaincre avec constance,
Et le divin amour et la ferme espérance
Dans ton sein généreux.
Je veillerai sur toi de la céleste voûte ;
Mes regards maternels te suivront dans ta route,
Et si, par la douleur, je te vois abattu,
Sur l'aile d'un archange, au sein des nuits profondes,
Mon âme, franchissant la distance des mondes,
Viendra du haut des cieux ranimer ta vertu.
Mais non ; c'est une erreur que j'avais caressée,
Un rêve mensonger dont je m'étais bercée ;
L'enfant a disparu ; je reste seule, hélas !
Mon fantôme adoré, ma ravissante image,
Ce fils de mon amour, cet homme, mon ouvrage,
S'est enfui de mes bras.
Tel parfois un nuage aux formes fantastiques,
Semble offrir à nos yeux des temples, des portiques,
Peuplés de séraphins, se berçant dans l'azur,
D'anges tout rayonnants dans leurs célestes voiles,
Chantant l'hymne éternel, et couronnant d'étoiles,
Sur des trônes brillants, les vierges au front pur.
Mais quand l'oeil enchanté sourit à ces images,
Un vent léger s'élève, et bientôt les nuages
Effacent en fuyant ce tableau radieux :
Ainsi, disparaissant de mon âme ravie,
Ce songe, qui charmait ma douce rêverie,
Se perdit dans les cieux.
Voeux Oh ! s'il m'était donné d'être brillante et belle, D'avoir de longs cheveux noirs anneaux flottants, Et de riches joyaux où la perle se mêle Aux rubis éclatants ; Une taille élancée, aux formes ravissantes, Au doux balancement, au contour gracieux, Et puis de frais atours, des robes élégantes A longs replis soyeux ; L'éclat d'un noble nom, l'attrait plus cher encore D'un regard enchanteur par l'amour embelli, Aussi pur que les cieux, quand l'astre qui les dore Sur le soir pâli ; Et de vastes salons où, joyeuse et parée, Régnant sur tous les coeurs de mes charmes épris, Je verrais, dans les yeux de la foule enivrée, Mes triomphes écrits ! Puis je voudrais avoir, au rang de mes conquêtes, Des héros, des vainqueurs, beau de gloire et d'amour, Des princes conviés à mes brillantes fêtes, Et des rois à ma cour. Mais, pour tous ces amants insensible et sévère, A celui que j'aimais gardant toujours ma foi, Aimante avec lui seul, avec les autres fières, Je serais toute à toi ! Et mon coeur, dédaignant la royale tendresse, L'amour des nobles ducs et celui des guerriers, Pour un de tes baisers ou pour une caresse, Donnerait volontiers. Ces biens dont la pensée est trop peu pour mon âme , Tous ces dons éclatants, pleins de frivolité, Et ne voudrait garder que d'une simple femme La touchante beauté. Poésies, 1843 Réponse à Mr de Lamartine Antoinette Quarré avait envoyé ses vers à [[Auteur:Alphonse de Lamartine|]]. Celui-ci lui répondit avec le poèmes « À une jeune fille poète » qu'il intégra dans ses Recueillements poétiques. Antoinette Quarré lui écrivit ce poème en remerciement. (Note Wikisource)
Bibliographie
Poésies, Dijon, 1843
Poèmes en ligne
|
Dans l'Echo de la littérature et des Beaux-Arts en France et à l'étranger
Décembre 1843
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