Ravenel (Marie) 1811-1893
Marie Ravenel
1811-1893
(meunière-poétesse normande)
Il me plaît d'évoquer cette humble poétesse régionale. Vieille femme assise, un livre sur les genoux, elle fut aussi, en son temps et en son lieu, même modestement, la voix de la poésie.
Réédition des oeuvres complètes de Marie Ravenel en 2003 (lien)
Chez Philippe Lelanchon éditeur
Hommage à Lamartine qui en fit l'éloge
Dans la nuit de l’oubli, comme elle, solitaire,
Ma Muse, avec l’honneur d’un éloge, naguère,
Reçut du grand poète un regard bienveillant.
Mon coeur de ce beau jour conserve la mémoire.
Ce magique regard m’a fait rêver la gloire,
M’a fait oublier mon néant.
Adieu petit moulin
Adieu ! Petit Moulin, demeure hospitalière,
Une charmante solitude où sourit ma paupière,
Adieu, je vais quitter cet asile de paix.
Un destin ennemi m'arracha ma patrie ;
Mêlés tout souvenir dans mon année remplie
Dans un autre séjour me suivront à jamais.
Adieu ! Théâtre heureux des jeux de mon jeune âge,
Arbres qui si souvent me prêtiez votre ombrage,
Echo qui modulées mes joyeuses chansons,
Beaux prés, vertes collines, étant, le ruisseau limpide,
Qui vîtes s'envolez mon enfance rapide,
Guérets où se jouaient de si riches moissons.
À vue ! Songe riant qu'il fait naître l'Aurore,
Prestiges fortunés par qui tout se colore,
Demeurez en ces lieux... Au blanche vision !
O poésies, enfin, qui me fut aussi cher !
Vous ne me suivrez pas sur la terre étrangère :
Y pourrions nous chanter les hymnes de Sion ?...
Adieu ! Petites oiseaux dont la fraîche musique
Soutenez si gaiement mon essor poétique,
Et que je nourrissais durant les jours mauvais,
Fleurs qui trouviez l'abri sous ma main tutélaire,
Feuillages qui forment ni mon hôtel solitaire,
Adieu ! D'autres peut-être y prieront désormais.
Toi, roque mystérieux, témoin d'horrible fête,
Et dont les flancs mous sus affrontent les tempêtes
Des hivers, par milliers effacés devant toi,
Sur ton site désert, très de ses eaux limpides,
Tu diras au passant les forfaits des druides ;
Mais, hélas ! Pour toujours, ce sera loin de moi.
Adieu ! De mes amis la si douce présence...
Car leur coeurs dans l'exil me suivront en silence,
Et le mien, pour les voir, reviendra dans ces lieux ;
De tous mes biens, enfin, le seul bien qui me reste,
Je l'emmène avec moi... C'est un trésor céleste :
Un époux, mon vieux père et trois enfants joyeux.
Parmi les souvenirs que pour jamais j'adore,
C'est ici qu'au lever vers d'une admirable Aurore,
(Mes jours étaient encore à leur riant matin),
Le ciel me fit présent du doux titre de mère,
Et mon fils premier né, commençant sa carrière,
Vint, douce et tendre fleur couronnait mon hymen.
Vous Dans ce lien sacré, la nature captive
Concentra tous mes soins; inquiète, attentive,
De son premier regard je briguais la faveur.
Mais désire, oubliant sa faiblesse et sondage,
De ses sens délicat semblait hâter l'usage ;
Son berceau renfermait et mes yeux et mon coeur.
Suivies d'un petit frais à d'une soeur chérie,
Beaulieu, vous l'avez vu s'est lancés dans la vie !
Tourneriez, alors ; mon ciel était si bleu !
Mais mon azur se voile... Un nuage stérile
Planes sans mouvement sur mon nouvel asile,
Et je vous quitte enfin ; o ma vallée ! Adieu !
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