Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

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Le piège du féminin en français
   Il est difficile d'esquiver le piège tendu par des décennies, voire des siècles, d'usage: en français, le masculin paraît seul  apte à l'expression de l'Universel, seul capable de parler à la fois pour les hommes et pour les femmes. Celles-ci restent enfermées dans leur propre monde. Les poèmes d'amour féminins peuvent-ils renvoyer aussi à l'expérience amoureuse masculine? En tout cas, on en doute fortement  au 19ème siècle. L'histoire étonnante de Paul Desforges-Maillard, au 18ème siècle, ne devant son succès qu'à l'adoption d'un pseudonyme féminin, Mlle Malcrais de la Vigne, est restée, canulars mis à part, tout à fait exceptionnelle. D'où l'intérêt de ces quelques poèmes de femmes prenant  la forme d'une réponse au féminin, comme une manière de refuser la représentation masculine, fût-elle sublime, d'une expérience humaine (Blanchecotte  à Baudelaire, Renée Vivien à Barbey d'Aurevilly  ). Car dès qu'un indice de féminin apparaît dans le poème (comment éviter l'"e" muet lorsqu'on est femme et qu'on écrit à la 1ère personne?), c'est la disqualification. On comprend alors les diverses stratégies facilitant la validation d'une poésie féminine:  utilisation pure et simple du masculin, aveu d'une énonciation féminine repoussé à la fin du poème, pseudonyme masculin... et dans le cas d'une relation homosexuelle, masculinisation du nom de l'aimée (Desbordes-Valmore). Mais c'est déjà une toute autre histoire...
 
Madrigal

Heureux talent des vers, agréable manie,
Vous remplissez le vide de ma vie:
Je ne tiens rien, ni ne veux rien de vous:
Les dieux en vous bornant, ont su me satisafaire;
Vous me servez à plaire,
Et ne suffisez pas pour faire des jaloux.
Elisabeth Guibert (17ème siècle)

Mlle de la Suze

Savez-vous bien que je vais faire

La gazette de mon amour?

Vous n'y trouverez rien qui ne soit véritable,

Pour tout autre manquez de créance et de foi;

Mais en ce que je dis, je dois être croyable,

Puisque tout se passe chez moi.

(Mlle de la Suze, 17ème)





Les incontournables du XIXème 
(liste provisoire et discutable par la date de naissance)

Victoire Babois (1760-1839)
Adélaïde Dufrénoy ( 1765-1825)
Constance de Salm-Dick (1767-1845)
Marceline Desbordres-Valmore (1786-1859)
Amable Tastu (1798-1885)
Delphine Gay (1804-1855)
Elisa Mercoeur (1809-1835)

Louise Colet (1810-1876)
Louise Ackermann (1813-1890)
Anaïs Sagalas (1814-1893)
Malvina Blanchecotte (1830-1897)
Louisa Sieffert (1845-1877)

Marie Dauguet (1860-1942)
Marie Krisinska (1864-1908)
Hélène Vacaresco (1864-1947)
Hélène Zuylen de Nyevelt (1868-1934)
Marguerite Burnat-Provins (1872-1952)
Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945)

Gérard d'Houville (1875-1963)
Anna de Noailles (1876-1933)
Renée Vivien (1877-1909)

et bien d'autres
 


 

 Coup de coeur pour

 Madame de la Suze et Madame Dauvergne (17ème siècle)

 

les plus girardiennes des poétesses 

 


 

Madrigal

 

 C'est assez combattu, ma raison rend les armes,

 

Cède à Tirsis, cède à l'amour;

 

Hélas, je ne puis plus résister à ses charmes,

 

Et je sens malgré moi, qu'il triomphe à son tour.

 

                                         (Mme Dauverne)

 


 

Elégie (extrait)

 

Ainsi, cruelle Iris, je viens les yeux en larmes,

 

Me jeter à vos pieds et vous rendre les armes:

 

Ainsi, malgré les maux que j'ai déjà soufferts,

 

Je viens triste et confus me remettre en vos fers,

 

Endurer les rigueurs de mon premier martyre,

 

Suivre vos dures lois, mourir sous votre empire,

 

Et vous faire paraître un cuisant repentir

 

D'avoir insolemment essayé d'en sortir.

 

                                       Henriette de la Suze

 

 

 

"Plus haute est l'idée qu'un être se fait de sa gloire et plus le désir l'abaisse...Mouvement pendulaire... "(René Girard)

 

 


 

Cécile Sauvage, 1910

 "... Si j'avais eu la chance d'être belle, je n'aurais sans doute jamais écrit..."

Louisa Siefert (19ème)

"Si je voulais chanter, ma voix se briserait,
Comme celle des fous, dans le rire et les larmes."

 
Victoire Babois parlant de la poésie
"Peut-être les femmes devinent-elles cet art que les hommes, vu l'étendue et l'importance de leurs ouvrages, apprennent si péniblement et cultivent si laborieusement."
 Victoire Babois (19ème siècle)

 

 

 


Le piège du féminin en français

   Il est difficile d'esquiver le piège tendu par des décennies, voire des siècles, d'usage: en français, le masculin paraît seul  apte à l'expression de l'Universel, seul capable de parler à la fois pour les hommes et pour les femmes. Celles-ci restent enfermées dans leur propre monde. Les poèmes d'amour féminins peuvent-ils renvoyer aussi à l'expérience amoureuse masculine? En tout cas, on en doute fortement  au 19ème siècle. L'histoire étonnante de Paul Desforges-Maillard, au 18ème siècle, ne devant son succès qu'à l'adoption d'un pseudonyme féminin, Mlle Malcrais de la Vigne, est restée, canulars mis à part, tout à fait exceptionnelle. D'où l'intérêt de ces quelques poèmes de femmes prenant  la forme d'une réponse au féminin, comme une manière de refuser la représentation masculine, fût-elle sublime, d'une expérience humaine (Blanchecotte  à Baudelaire, Renée Vivien à Barbey d'Aurevilly  ). Car dès qu'un indice de féminin apparaît dans le poème (comment éviter l'"e" muet lorsqu'on est femme et qu'on écrit à la 1ère personne?), c'est la disqualification. On comprend alors les diverses stratégies facilitant la validation d'une poésie féminine:  utilisation pure et simple du masculin, aveu d'une énonciation féminine repoussé à la fin du poème, pseudonyme masculin... et dans le cas d'une relation homosexuelle, masculinisation du nom de l'aimée (Desbordes-Valmore). Mais c'est déjà une toute autre histoire...

 

Delphine Gay

 


 

La Renaissance

    "They are able to impart a sense of individuality and authenticity to their voices in spite of the fact that their works incarnate much of conventional Renaissance thought: the cult of antiquity, the concomitant predilection for ornate expression, the use of conventional topoï en forms, a love of balanced and polished diction, rare words, mythological references, and ideals of ancient moral philosophy, history, and letters. Not surprisingly, the women with the most authentic and individual voices are those not belonging to the upper nobility, those not related to literary men, and those who were affiliated with socially, politically, or religiously, subversive groups..."

(Katharina M. Wilson: Women writers of the Renaissance and Reformation, p.XII, 1987)

 


 

Quelques pistes proposées par Éliane Viennot 
Université de Saint-Étienne, Institut Claude Longeon

1 - On observe de nombreuses femmes à des postes de haute responsabilité: "la Renaissance est - avec la période mérovingienne - la seule dans l'histoire de France où l'on observe une concentration de femmes gouvernant le royaume (Catherine de Médicis, Marie de Médicis..." et bien d'autres. La plupart ont écrit.

 

2 - Les femmes ont été au premier plan des luttes idéologiques et des débats religieux, qu'elles soient protestantes ou catholiques. Il existe d'intenses échanges épistolaires avec les réformateurs. Concernant la Contre-Réforme, penser à Mme Acarie et Marguerite de Valois.

 

3 - Dans le domaine philosophique, "on voit le retour du platonisme", version chrétienne, qui va profondément modifier la conception et l'image de la femme héritées du Moyen-Age. Il ne faut donc pas s'étonner de lire des poèmes imprégnés de "féminisme": Les femmes revendiquent le droit d'écrire, de penser et n'hésitent pas à stigmatiser ceux qui les regardent avec mépris et les tiennent à l'écart des lieux éducatifs.

 

4 - L'émergence de la bourgeoisie déstabilise les lieux traditionnels de savoir. Les nouveaux lettrés ne sont plus des clercs liés à tel ou tel monastère, par ailleurs ils ne veulent plus payer leur savoir au prix du célibat (Ce sera pourtant encore le cas de certaines femmes (Catherine des Roches) qui ne veulent pas sacrifier leur goût pour le savoir aux servitudes de la famille). Mais les hommes ont  femme et enfants sans voir perturbée leur carrière littéraire. Ces derniers vont donc profiter  des nouveaux réseaux liés à l'imprimerie et qui amènent dans le foyer un savoir jusque là réservé aux clercs: le capital culturel se transmet aussi de père en fils et... en fille. Celles-ci verront cependant leur formation intellectuelle soumise à des impératifs moraux et familiaux (Agrippa d'Aubigné limitant clairement les domaines accessibles à ses propres filles). Le mariage contribue quand même à une certaine  émancipation culturelle des femmes (ce qu'on ne pourra plus dire au 19ème siècle!).


 

 

 Au XIXème siècle, 4 périodes à distinguer


Périodisation proposée par Christine Planté dans l'Introduction à son Anthologie (de la page X à la page XXI):


1- Fin 18ème et début 19ème: âge d'or pour la poésie féminine. Sous l'influence des Lumières, le genre est plutôt méprisé par les hommes et abandonné aux femmes. Pourquoi ne pas voir de l'ironie dans cette remarque de Victoire Babois? "Peut-être les femmes devinent-elles cet art que les hommes, vu l'étendue et l'importance de leurs ouvrages, apprennent si péniblement et cultivent si laborieusement." (Elégies, an XIII)

2 - Romantismes: régression du statut féminin et de la poésie féminine. Le code Napoléon les définit comme "minores". Tendance chez les femmes-poètes à une crispation académique qui leur fait refuser la révolution littéraire en cours. Le Romantisme accorde à la femme un rôle d'inspiratrice et non de créatrice. Articles hostiles et haineux concernant les femmes-poètes sur le thème "inspirez mais n'écrivez pas".

3 - Modernités: "L'art pour l'art" - la matière maîtrisée - la belle forme - la référence à la sculpture qui est d'abord un métier d'hommes. Le sonnet comme exemple-type de cette maîtrise (virile) de la forme. Période d'innovations créatrices qui sont refusées aux femmes, attardées qu'elles sont dans des "méandres lamartiniens" tout juste bons à faire pleurer Emma Bovary. Les femmes paraissent elles-mêmes oublier les problèmes de la forme et continuent à versifier comme Lamartine, Musset et Hugo.

4 - Fin de siècle: évolution de la condition féminine, aspiration du public et des critiques à une poésie plus accessible, moins hermétique. Les femmes paraissent détenir la clef de cette nouvelle révolution poétique. Charles Maurras parle d'un "romantisme féminin", d'autres utilisent l'expression "Sapho fin de siècle". La sensualité devient un thème à la mode. On hésite à qualifier cette renaissance: "désirs épars", "nudité aguichante", "poésie dionysiaque" ou... "décadence"? Proust à propos d'un tableau de Gustave Moreau: "le visage empreint de douleur céleste, on se demande, à le bien regarder, si ce poète n'est pas une femme".

 

 

*

 

La Renaissance

    "They are able to impart a sense of individuality and authenticity to their voices in spite of the fact that their works incarnate much of conventional Renaissance thought: the cult of antiquity, the concomitant predilection for ornate expression, the use of conventional topoï en forms, a love of balanced and polished diction, rare words, mythological references, and ideals of ancient moral philosophy, history, and letters. Not surprisingly, the women with the most authentic and individual voices are those not belonging to the upper nobility, those not related to literary men, and those who were affiliated with socially, politically, or religiously, subversive groups..."

(Katharina M. Wilson: Women writers of the Renaissance and Reformation, p.XII, 1987)

 

 

Quelques pistes proposées par Éliane Viennot 
Université de Saint-Étienne, Institut Claude Longeon

1 - On observe de nombreuses femmes à des postes de haute responsabilité: "la Renaissance est - avec la période mérovingienne - la seule dans l'histoire de France où l'on observe une concentration de femmes gouvernant le royaume (Catherine de Médicis, Marie de Médicis..." et bien d'autres. La plupart ont écrit.

 

2 - Les femmes ont été au premier plan des luttes idéologiques et des débats religieux, qu'elles soient protestantes ou catholiques. Il existe d'intenses échanges épistolaires avec les réformateurs. Concernant la Contre-Réforme, penser à Mme Acarie et Marguerite de Valois.

 

3 - Dans le domaine philosophique, "on voit le retour du platonisme", version chrétienne, qui va profondément modifier la conception et l'image de la femme héritées du Moyen-Age. Il ne faut donc pas s'étonner de lire des poèmes imprégnés de "féminisme": Les femmes revendiquent le droit d'écrire, de penser et n'hésitent pas à stigmatiser ceux qui les regardent avec mépris et les tiennent à l'écart des lieux éducatifs.

 

4 - L'émergence de la bourgeoisie déstabilise les lieux traditionnels de savoir. Les nouveaux lettrés ne sont plus des clercs liés à tel ou tel monastère, par ailleurs ils ne veulent plus payer leur savoir au prix du célibat (Ce sera pourtant encore le cas de certaines femmes (Catherine des Roches) qui ne veulent pas sacrifier leur goût pour le savoir aux servitudes de la famille). Mais les hommes ont  femme et enfants sans voir perturbée leur carrière littéraire. Ces derniers vont donc profiter  des nouveaux réseaux liés à l'imprimerie et qui amènent dans le foyer un savoir jusque là réservé aux clercs: le capital culturel se transmet aussi de père en fils et... en fille. Celles-ci verront cependant leur formation intellectuelle soumise à des impératifs moraux et familiaux (Agrippa d'Aubigné limitant clairement les domaines accessibles à ses propres filles). Le mariage contribue quand même à une certaine  émancipation culturelle des femmes (ce qu'on ne pourra plus dire au 19ème siècle!).


 

 

 

 


Elisa Mercoeur

Des clés (provisoires) pour consulter la liste du XIXème et du XXème
Dépendances: 

   Maris, amants, parrains: Lamartine (Antoinette Quarré la lingère), Musset (Marie Ménessier-Nodier), Hugo, Dumas (Mélanie Waldor), Vigny, Baudelaire, Sainte-Beuve (Mme d'Arbouville)...Alphonse Daudet (Madame Alphonse Daudet). Dumas (Mélanie Waldor).

 

 " Douleur maternelle (Mater dolorosa) Mère et fille...

ou "Odeur de maternité"..."Chaleur de couvée !!!" (Sophie Hue...)...

 Les "ouvrières"
"Apparition d'un essaim chantant de jeunes filles sorties des rangs du peuple"((Amable Tastu), sous Louis-Philippe et au-delà.
(Antoinette Quarré, Reine Garde, Malvina Blanchecotte... et Hermance (Sandrin) Lesguyon, Clémence Robert, Adèle Daminois, Victoire Babois, Eugénie Niboyet, Amable Tastu Gabrielle Soumet, Louise Crombach...)

La dimension sociale et/ou politique?
  
Peu présente mais pas inexistante. (Desbordes-Valmore, Blanchecotte, Mme Ackermann...)
 
La dimension provinciale
Nantes: Mélanie Waldor
Nantes: Elisa Mercoeur
Le Pellerin: Adine Riom
Quimper: Augusta Penquer...
Lorient: Sophie Hue
Nantes: Adélaïde Dufrénoy
Nantes: Constance Salm-Dyck
 
Fables et contes philosophiques en vers. La femme et le registre moral:
(Desjardins de Villedieu,Amable de la Férandière, Mme de Genlis, Joliveau de Segrais, Marceline Desbordes-Valmore, Louise Ackermann...

Les élégiaques (surtout au début du siècle):
(Adélaïde Dufrénoy, Victoire Babois, M. Desbordes-Valmore, Pauline de Flaugergues)

Unanimisme, panthéisme, fusion avec la nature:
(Dauguet, Noailles...)

Poèmes d'amour
(Marie Dauguet, Marguerite Burnat-Provins...)

La mort fantastique ou... baroque ?( Anaïs Ségalas...)
 
La dimension philosophique... interdite ("le philosophisme")
(Clara Francia Mollard, Louise Ackermann, Daniel Lesueur)

Pseudonymes: Poèmes féminins publiés sous un pseudonyme masculin. Poèmes masculins publiés sous un pseudonyme féminin

Corinne...Sappho  (les modèles de l'Antiquité)
(Constance de Salm-Dick, Mme de Staël, Renée Vivien...)

Les revendications féministes compromises


 Coup de déprime:

 La plus injustement oubliée,
Marie Dauguet!

Même pas un article Wikipedia sur cette poétesse  au lyrisme puissant, sans doute l'une des plus incontournables du XXème siècle.

"Ma flûte rauque n'est pas faite de roseaux
Coupés classiquement où du soleil soupire,
Alignant leurs tuyaux rejoints et inégaux,
Sous l'écheveau de lin et que colle la cire.

Elle est de bois dur, dissonante dans le vent,
Et sussure en mineur, pleine de sourds bécarres
Ou d'étranges bémols qui vont se dissolvant
Avec le cri bleu des crapauds au bord des mares."

 


 

 

 Cécile Sauvage, 1910

 "... Si j'avais eu la chance d'être belle, je n'aurais sans doute jamais écrit..."

(Mon amie!...)

Mon amie! oh! fût-il des époux le plus tendre,
Un époux vainement chercherait à comprendre
Ces plaisirs, ou ces pleurs.
Toi seule, à les blâmer, n'aura pas de courage;
Car tu suivis mes pas, dès l'aube du voyage,
Et nos âmes sont soeurs.
                                                                                        Lucie Pigache-Coueffin, 1831


 


 

Le piège du féminin en français
   Il est difficile d'esquiver le piège tendu par des décennies, voire des siècles, d'usage: en français, le masculin paraît seul  apte à l'expression de l'Universel, seul capable de parler à la fois pour les hommes et pour les femmes. Celles-ci restent enfermées dans leur propre monde. Les poèmes d'amour féminins peuvent-ils renvoyer aussi à l'expérience amoureuse masculine? En tout cas, on en doute fortement  au 19ème siècle. L'histoire étonnante de Paul Desforges-Maillard, au 18ème siècle, ne devant son succès qu'à l'adoption d'un pseudonyme féminin, Mlle Malcrais de la Vigne, est restée, canulars mis à part, tout à fait exceptionnelle. D'où l'intérêt de ces quelques poèmes de femmes prenant  la forme d'une réponse au féminin, comme une manière de refuser la représentation masculine, fût-elle sublime, d'une expérience humaine (Blanchecotte  à Baudelaire, Renée Vivien à Barbey d'Aurevilly  ). Car dès qu'un indice de féminin apparaît dans le poème (comment éviter l'"e" muet lorsqu'on est femme et qu'on écrit à la 1ère personne?), c'est la disqualification. On comprend alors les diverses stratégies facilitant la validation d'une poésie féminine:  utilisation pure et simple du masculin, aveu d'une énonciation féminine repoussé à la fin du poème, pseudonyme masculin... et dans le cas d'une relation homosexuelle, masculinisation du nom de l'aimée (Desbordes-Valmore). Mais c'est déjà une toute autre histoire...

 

Le jury de poésie de la revue "Femina" (avril 1911)

 

Beaucoup de noms célèbres...du moins à l'époque!
Cette année là le prix fut remis à Isabelle Sandy
(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Doc. Gallica


 

   J'ai choisi le mot "poétesse", malgré ses connotations négatives, , parce que les synonymes me paraissent encore moins satisfaisants: "femme poète", expression concurrente de "une poète" et déjà utilisée au 19ème siècle, a le fâcheux inconvénient d'afficher la femme avant le (la) poète. Pourquoi pas "homme poète"? Le mot "poète" seul, entendu au féminin ("la poète"), voit son genre effacé au pluriel ("les poètes"). "Poétesse", prôné par George Sand et plus tard par Lucie Delarue-Mardrus, a l'avantage d'afficher en un même mot d'abord la poésie puis la féminité, ce qui convient parfaitement à mon projet.

   Voir  l'étude d' Aimée Boutin (Florida State University): "The tradition of the poetess, once narrowly defined as poésie feminine in France, has now 

Madame Second-Weber déclamant un poème en l'honneur de Verlaine, en 1925
(commémoration du monument)
 

 


 

 

 

 Natalie Clifford-Barney vers 1900 (détail)

Voir l'album photo du blog

 


 Mme Ackermann: Une femme qui rime...

   "Mon mari a toujours ignoré que j'eusse fait des vers; je ne lui ai jamais parlé de mes exploits poétiques. A me voir, du matin au soir, dépouiller ou vaquer aux choses du ménage, comment aurait-il pu soupçonner qu'il avait épousé une ex-Muse? La vraie raison de mon silence, c'est que je tenais extrêmement à sa considération. Or, il ne faut pas se le dissimuler, la femme qui rime est toujours plus ou moins ridicule".

.





"Malaise dans le genre" 
Mme de Villandon, fin 17ème

Mais sachez, illustre Personne,

Que par un sentiment malin

Contre le sexe féminin,

En lisant vos écrits si remplis de justesse

D'agrément, et de politesse

On veut que vous soyez Cavalier ou Blondin.

C'est nous faire un affront étrange.

                                                       

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Constance de Salm-Dick (début 19ème)!

"Je puis bien être un homme aussi"

A un auteur d'élégies qui blâmait la sévérité de mes épîtres

  

 Tu n'es pas juste, ami, lorsque tu blâmes
Mon vers philosophique et mon ton réfléchi
Qui, dis-tu, ne sied pas aux dames.
Je sais que les transports, les amoureusesflammes,
Les langueurs d'un tendre souci,
Semblent mieux convenir à nos esprits, nos âmes;
Mais, lorsque sur ce point tant d'hommes sont des femmes,
Je puis bien être un homme aussi.

 

Constance Salm-Dick (début 19ème)

 Extraits de l'Epitre aux femmes 

 

"O femmes, reprenez la plume et le pinceau"

*

"De l'étude, des arts, la carrière est ouverte;

Hommes, nous y volons; c'est là que l'univers

Jugera si nos mains doivent porter des fers."

*

" C'est par des traits plus sûrs qu'il faut montrer aux hommes

Tout ce que nous pouvons et tout ce que nous sommes.

C'est à les admirer qu'on veut nous obliger;

C'est en les imitant qu'il faut nous en venger.

Science, poésie, arts qu'ils nous interdisent,

Sources de voluptés qui les immortalisent,

Venez, et faites-voir à la postérité

Qu'il est aussi pour nous une immortalité."

  


 
Quand Louise Colet s'emporte
Une femme..............
S'écria: " Le bonheur! c'est un sarcasme, ô femmes!
Elle n'est pas là pour nous, cette fête des âmes!
Fût-elle pour nos fils, nos frères, nos amants,
Elle n'est pas là pour nous, femmes, tribun, tu mens!...
.................................................................
Ne parlez pas d'amour, hommes! dont l'âme impure
Trouve la volupté dans notre flétrissure;
Violateurs de Dieu qui jetez au hasard
Votre paternité dans quelque lupanar,
Où, comme un vil bétail, la faim et l'ignorance
Parquent pour vos plaisirs des femmes sans défense...


Baudelaire aurait-il fait son marché chez
Louise Colet?
 
 "Quand je vais triste et seule, et que, dans le ciel gris,
Je suis quelque nuage errant sur les toitures,
Et, comme ces draps noirs qu'on met aux sépultures...
Puis, lorsque sous mon toit rêvant ainsi je rentre,
Et que près du foyer mon âme se concentre,
Je pleure en me disant que je ne pourrais plus
Séparer mon coeur pur de ces coeurs dissolus;
Que l'art, la poésie et splendeurs que j'aime
Se retrouvent au fond de cette fange même;
Qu'il faut, pour en tirer quelques parcelles d'or,
Dans cet abîme impur long-temps plonger encor;...
(Extrait de "Paris" dans "Penserosa", 1937, 20 ans avant les Fleurs du Mal et le fameux: "Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or")
 
  Consulter aussi l'article "Louise Colet" pour retrouver une ébauche de Spleen, ou encore un lion captif, qui anticipe celui de Leconte de Lisle, paru 10 ans plus tard.
 


 
Quand la Muse limonadière (18ème siècle) fait sa publicité et pratique le "mailing".
Le texte suivant faisait l'objet d'envois automatiques à tous les correspondants de Dame Bourette. Il accompagnait aussi toutes ses publications de poèmes, eux-mêmes parfois plus courts que ce texte d'autopromotion.

 

Marie de Romieu à son frère, poète, 1581

"N'ayant pas le loisir, à cause de notre ménage, de vaquer comme vous, à chose si belle et divine que les vers..."

 

 

    Monsieur et bien aimé frère, je reçus un merveilleux contentement de vos lettres ces jours passés, non moins agréables que pleines d'un style doux-coulant accompagné de belles sentences dignes de vous. Mais d'ailleurs je fus grandement étonnée et comme ravie d'admiration ayant lu une certaine invective avec quelques satires qu'aviez fait à l'encontre de notre sexe féminin envoyée à Monsieur notre oncle Desaubers, homme recommandé pour un des premiers, comme savez, de notre ville, tant en grade de dignité que de singulière doctrine. Et ce qui me tourmentait le plus, c'était que j'ignorais la cause qui vous avait pu émouvoir à tonner ainsi contre les femmes. Quant à moi, étant du nombre de ce noble et divin sexe, j'ai bien voulu vous montrer en cela que je n'étais dépourvue de l'art de poésie, comme celle qui se plait quelquefois avec une incrédible délectation après la lecture d'icelle. Prenez donc en bonne part, mon Frère, ce mien bref discours que je vous envoie, composé assez à la hâte, n'ayant pas le loisir, à cause de notre ménage, de vaquer (comme vous dédié pour servir aux Muses) à chose si belle et divine que les vers. cependant je vous prierai de me tenir toujours en vos bonnes grâces, comme v



08/01/2012
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