Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Ricard (Lydie de) 1850-1878

Lydie Wilson de Ricart
(ou Dona Graciorella Milgrana)

Origine écossaise, poèmes inspirés du 16ème siècle, poèmes en langue d'Oc
1850-1878


RIEZ BIEN, LES FRAIS INNOCENTS

Riez, les poupons potelés
Aux bouchettes de lin sauvage !
Riez vos rires étoiles !
Rossignolets, rossignolez
Votre prjntanier babillage !
— O les blonds poupons potelés
Aux bouchettes de lin sauvage !

Mieux qu'un chamaillis aprilin,
Riez bien, les belles enfances !
Avec vos bouchettes de lin,
De lin sauvage et purpurin. —
Les chamaillis sont sans offenses
Qui rient au taillis aprilin.
— Riez bien, les belles enfances !

Oui ! laissez rire, les chéris..
Le vin vermeillet sur vos bouches ;
Vous qu'un sein joyeux a nourris
De lait blanc, de rêves fleuris,
D'amour, sans mélanges farouches
De sang ni de fièvre, ô chéris,
Sur le lin rose do vos bouches !

Riez bien, les frais innocents,
Emerveillez-vous bien des choses ;
Riez aux oiselets naissants,
Au ciel, aux astres fleurissants,,
Aux arbres, aux moissons, aux roses.
A tout ! — Vous êtes innocents
Et ne connaissez rien des choses !

Trop tôt votre cœur n'aura plus
— Défeuillé de ses ignorances —
De nids pour les rires joufllus !
Et les rappels sont superflus
Des sereines indifférences.
Quand, tout brumeux, le coeur n'a plus
Son fouillis feuillu d'ignorances !

Riez, les poupons potelés
Aux houclhettes de lin sauvage !
Riez vos rires étoilés!
Rossignolets, rossignolez

Votre printanier babillage !,..
O les blonds poupons potelés
Aux bouchettes de lin sauvage !



CRÉPUSCULE AU BORD DU LEZ


Je veux, assise emmi les blondes amarines,
Subir l'enchantement des extases divines
              Au bord des eaux
Et, dans l'ambre fluide et frais des crépuscules,
Laisser vibrer mon âme avec les libellules
             Et les roseaux ;

Car le rêve, tandis que s'anuitent les prées
En la calme tiédeur de ces belles vêprées.
            Devient lueur,
Et quand, pour les regards, les formes se font vaines,
Alors l'essaim charmant des visions sereines
            S'éveille au cœur ;

Candides, et menant les rondes cadencées,
Qu'elles chantent en moi les intimes pensées
            Ou, mieux encor.
Que très, très lentement se dissolve ma vie
Au pur embrasement de votre poésie,
            O clairs soirs d'or I



AUBADE

Mon amoureuse, éveillez-vous !
Venez aspirer, claire amie,
Les alluchants parfums si doux
Qui s'en vont par val et prairie ;

Car voici né le mois d'amour.
Le mois d'amour et d'allégresse I

Déjà, le fauve archer du ciel
Se dresse à la brumeuse arquière
De l'aube, et va d'un trait cruel
Navrer l'étoile matinière !

Plus de frimas ! plus de grésils,
De neige, — qu'au verger ! et d'ores
Et déjà, buissons et courtils
Se font verdelets et sonores.

Car voici né le mois d'amour,
Le mois d'amour et d'allégresse !

Plus de mandolents horizons :
Le ciel d'or vibre d'alouettes !
Les prés ont de douillets gazons
Et des corolles vermeillettes ;

Comme becs d'oiselets naissants
Les bourgeons brisent leurs coquilles
Claires voix et vols bruissants
Emeuvent les jeunes charmilles !

Mon amoureuse ! éveillez-vous !
Venez aspirer, claire amie,
Ces alluchants parfums si doux
Qui s'en vont par val et prairie !

Ne prenez souci d'afTaiter
Ce gentil corps qui tant m'agrée ;
Voit-on pas les lys nus fêter
Chastement l'Aube diaprée ?

Ni fin joyau! ni jaseran
Tressé comme une chevelure !
Ni mantel ! ni soyeux bliant !
Les deux lys n'ont point de parure.

Le voici né, le mois d'amour,
Le mois d'amour et d'allégresse !

Rayons d'aurore atourneiont
Vos grâces, des siennes jumelles,
Et clairement les vêtiront :
Vos joyaux seront fleurs d'amelles ;

Et vous m'abèlirez tant mieux :
Riche habit ne vaut ce qu'il cèle ;
Bien plus qu'émail, est précieux
L'éclat d'une pousse nouvelle I

Mon amoureuse ! éveillez-vous !
Venez aspirer, claire amie,
Les alluchants parfums si doux,
Qui s'en vont par val et prairie :

Le voici né, le mois d'amour,
Le mois d'amour et d'allégresse !




LA FIGUIEIRA

Quand tourna lou cel se fai d'or
E que vermelha, enramelada,
La jouina Prima, capelada
De flours, et de flours sus soun cor,
Escavarta (1) barbasta (2) e tor (3)
Emb una caudeta alenada,
A la primièira brésilhada (4)
Que canta que l'Iver es mort,
La Figuièira, reina de l'hort
Belament s'es derevelhada.

Desengrepesits (5), sous chimels
Courra de brasses de droulletas
Que cargoun sas plenas dournetas (6)
S'enauroun lisses, blanquinels,
As poutouns das raisses nouvels.
Fresinantas (7), freulas aletas,
Pioi espelissoun las fiolhetas
Dirias pas de poulits aucels,
D'issams joucats e jougarels
De capignousas parruchetas ?(8)

Quand vesès lou blat canelar (9),
Long de las brancas imourousas (10)
Las flours carnudas e courousas (11)
Acoumençoun de boudenflar (12)
Se res las ven despecoular (13)
N'i aura de figas ! - audourousas,
Gentas poupetas melicousas
Qu'un lach ambrenc (14) ne vai coular
A degouts, per assadoular
Las bestioletas tetadousas.

E pauc à pauc, de rescoundous,
Joust lou grelhage que roundela (15)
L'esmerauda de sa dentela
En de ventais amagadours,
Vairoun en boucienflant, las flours :
N'i a que sourit de seda roussela ;
N'i a d'una tencha palinela ;
D'autras passoun, emb soun blaus (16) dous.
La nioch, quand tremuda en velous
Soun azur priound que s'estela.

Ara, Julhet cauma lou cel,
Lou mes auri (17), lou mes segaire 1
E trioumfant, l'aubre à l'esclaire
Luseja que fa parpantel !... (18)
L'envertouioun (19) d'un laugè vel
Brounzinarel e varalhaire,
Vouletouns (20) venguts de tout taire
Tant, que lou que s'accosta d'el
I es avis qu'emprès (21), quauque abel (22)
Estuba (23) e fai zounzounar l'aire.

Car s'apound (24) an aquel cascal (25)
L'alenada mola e sucrada
De cada figa amadurada,
Qu'entredourbis au gai dardal
Soun rire goustous e pourpral.
- Zou ! mousca, abelha afiroulada (26) , !
Zou ! dan valat e de la prada.
De la garriga e dau trucal (27),
Acouitas-vous ! d'amount, d'aval !
Es l'oura de la buscalhada ! ...




(1) Chasse. --
(2) Aubièiro (gelée blanche). --
(3) Glace. -- (4) Gazouillis.
(5) Délivrés de l'engourdissement causé. par le froid.
(6) Petites cruches.
(7) Frémissantes.
(8) Perruches taquines, querelleuses.
(9) Pousser en tuyaux.
(10) Souples (X. de Fourvières).
(11) Polies, brillantes. (12) Gonfler.
(13) Détacher. Litt. : couper le pédoncule. 04) Ambré. --
(15) Arrondit.
(16) Bleu. (17) Doré.
(18) Eblouit.
(19) Environnent, entourent.
(20) Petits vols.
(21) Enflammée, en ignition. -
(22) Ruche. --
(23) Parfume.
(24) S'ajoute. -
(25) Murmure (En langage de la mer nomme une petit coquillage qui se colle sur les roches & les moules) . - (26) Alerte.
(27) Hauteur.


Au Bord du Lez., Paris-Lemerre. Ed. 1891



Bibliographie:

- Au bord du Lez, 1891






30/06/2010
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 167 autres membres