Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Robert (Clémence) 1797-1872

Clémence Robert

1797-1872

 

 

- Romancière "populaire socialiste"... dans le style d'Eugène Sue.

 - Poésies (Pièces) fugitives publiées chez Janet en 1839

- Consulter la biographie sur la page "terredesecrivains.com"

- Eugène de Mirecourt: Clémence Robert, 1856

 


Mon seul désir

Sonnet

 

Vous tous, ambitieux de fortune, d'amour,

De puissance, d'honneurs; des biens que l'homme adore,

Vous dites que l'espoir, dont le matin se dore,

S'évanouit bientôt dans le vide des jours;

 

Que dans ces jours cruels, chaque heure tour à tour

Disparaît, en montrant à celui qui l'implore,

Le bouton le plus cher qui tombe avant d'éclore,

Le fantôme adoré qui s'enfuit sans retour.

 

Oh moi! je n'ai jamais connu le triste charme

De ce brillant sourire éteint dans une larme,

Non, je n'éprouvai pas un semblable malheur;

 

Non, jamais aucun jour ne troubla mon envie,

Car je lui demandai pour unique faveur,

De m'approcher d'un pas du terme de la vie.

 


 

La dernière rose de l'été

Imité de T. Moore

 

 

C'est la dernière en fleur des roses de l'année;

Seule de sa famille, aux vents abandonnée,

Sans un bouton qui vienne auprès d'elle s'ouvrir,

Réfléchir sa rougeur, et lui rendre un soupir.

 

Ah! tu ne peux rester seule ainsi sur la terre,

Pauvre fleur!... Effeuillons sa corolle légère;

Qu'elle aille reposer sur le lit où ses soeurs

Dorment depuis longtemps sans parfums, sans couleurs.

 

Puissé-je ainsi mourir! quand l'amitié succombe,

Quand les roses d'amour s'effeuillent sur la tombe,

Sur tout ce qu'on aimait quand l'automne a passé,

Qui voudrait vivre seul dans ce monde glacé?

 


 

La maison d'Oberman

 

Quand nous courbons nos fronts sous la loi du malheur,

Il est quelques mortels, nos frères en douleur,

Qui savent porter haut une pâleur divine,

Et faire resplendir la couronne d'épine

Plus que bandeau royal ou guirlande de fleur.

 

Tel était Oberman au fond des solitudes,

Oppressé dans un air d'ardentes plénitudes,

Par deux immensités: le ciel qui lui jetait

Ses magiques splendeurs, et son coeur qui battait.

 

Il souffrit pour apprendre à consoler ses frères,

Pour sonder le secret et la fin des misères.

Ainsi que l'eau, troublée au sable du ravin,

S'épure en reposant dans une urne choisie,

Toutes les passions s'épuraient dans son sein;

Les larmes en sortaient en flots de poésie,

La souffrance en élans vers le monde divin.

 

Saint prophète de l'âme, il trouve la parole

Qui lui dit ses destins, l'élève et le console;

Il traduit les langueurs, les secrets soucieux

D'une nature, hélas! qui souffre et qui s'ignore,

Ainsi que le roseau de la flûte sonore

Module notre souffle en sons mélodieux;

 

Comme le faible enfant, courbant sa jeune tête,

Parle au Seigneur avec les versets du prophète,

Nous trouvons dans son livre, à l'accent solennel,

Des mots pour enlever nos soupirs vers le ciel.

 

Mais lui, qui répandit dans notre vie austère

Cet adoucissement de peines, ces bienfaits,

Puisés dans le trésor de lumière et de paix,

Oh! savez-vous quel est son bonheur sur la terre?

 

Un peu de gazon vert semé devant ses pas,

Sur sa tête pensive un parfum de lilas,

Au-dessus du taillis, du taillis vert qu'émaille

La fleur de seringa, du muguet, du jasmin,

Un chêne, les rameaux étreints dans la muraille,

Ainsi que le génie au front de l'être humain;

Quelquefois, le matin, le chant de la fauvette,

Fille des bois fleuris, âme des champs d'azur,

Pour un instant, hélas! égarée en nos murs

Ainsi que dans le monde une âme de poëte...

Un peu d'herbe, de chant et d'horizon vermeil,

Et, dans les jours d'avril, un rayon de soleil...

 

 

Oui, mais sur tout cela les immortelles flammes

De ce soleil qui luit sur le monde des âmes;

Puis les pensers, les voix du monde intérieur,

Qui sont autour du sage, et de saintes musiques

L'accompagnent partout, comme aux fêtes antiques

Les musiciens sacrés, les théorbes en choeur

Sur les roses suivaient au temple le vainqueur.

 

Voilà tout son bonheur dans l'humaine vallée:

Le bruit du monde expire à sa porte isolée,

Il n'entend rien de lui, pas même dans leur jour

Les accents de louange et les accents d'amour

Qui résonnent autour des oeuvres qu'il nous donne;

Quand un soupir s'élève et lui parle tout bas,

Quand la fibre du coeur à son souffle résonne,

 

Quand une larme tombe, il ne l'aperçoit pas;

Sa palme loin de lui s'élève feuille à feuille,

Et sa moisson d'amour mûrit sans qu'il la cueille.

Mais la vie à venir, ce vaste lendemain,

Tracera d'autres lois dans l'élément humain.

 

Vous fils du globe, éclos dans l'argile ignorée,

Et qui croyez toujours vous élever assez

Alors que vous montez à sa couche dorée;

Vous, nourris d'ambroisie, et d'air serein bercés,

Enfants, vous passerez du monde comme passe

Le ruban parfilé que l'air jette à l'espace,

La perle du collier, dont le globe irisé

Ne laisse que poussière au doigt qui l'a brisé.

Sur votre coupe d'or voyez la mousse blanche,

A votre lèvre à peine elle brille et se penche,

Que s'enfuit en vapeur son limpide réseau,

Ainsi vous passerez en brillante fumée,

Enfants du monde, esprit des coupes parfumées,

En touchant à la bouche avide du tombeau.

 

Liés à la matière, à l'argile mortelle,

Ah! vous retournerez vous confondre avec elle.

Oui, votre atôme ira féconder le roseau

Qui jusqu'au soir se joue avec les lames d'eau,

Le papillon cherchant le lac au doux mirage

Pour regarder son aile en gaze de nuage,

Le sable, qui jetant un éclat argenté,

Se complaît à briller dans sa stérilité.

 

Mais lui, le sage, ayant sur l'humaine ruine

Incessamment nourri l'étincelle divine,

Il ira par la tombe, ouverte sur le ciel,

Rejoindre les esprits vivants.- Et l'Eternel

Fera de lui, voyant la clarté qui l'inonde,

Un des regards divins qui veillent sur le monde.

 


 

 

(Le jardin des Tuileries)

 

 


 

 (Un voyage à Lyon)

 

 

Dans la biographie de Mirecourt, 1856 (Gallica)



06/08/2011
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