Romieu Marie de)... ... ... ... ... (vers 1545-vers1590)
Marie de Romieu
(vers 1545-vers1590)
Epitre à mon frère (1581)
Monsieur et bien-aimé frère, je reçus un merveilleux contentement de vos lettres ces jours passés, non moins agréables que pleines d'un style doux-coulant accompagné de belles sentences de vous. Mais d'ailleurs je fus grandement étonnée et comme ravie d'admiration ayant lu une certaine invective avec quelque invective qu'avez fait à l'encontre de notre sexe féminin envoyée à Monsieur notre Oncle Desaubers homme recommandé pour un des premiers comme savez, de notre ville, tant en grade de dignité que singulière doctrine. Et ce qui me tourmentait le plus c'était que j'ignorais la cause qui vous avait pu émouvoir à tonner ainsi contre les femmes, Quant à moi étant du nombre de ce noble et divin sexe, j'ai bien voulu montrer en cela que je n'étais pas du tout dépourvue de l'art de poésie comme celle qui se plait quelquefois avec une incrédible délectation après la lecture d'icelle. Prenez donc en bonne part, mon Frère, ce mien bref discours que je vous envoie, composé assez à la hâte, n'ayant pas le loisir, à cause de notre ménage, de vaquer (comme vous dédié pour servir aux Muses) à chose si belle et divine que les vers. Cependant je vous prierez de me tenir toujours en vos bonnes grâces comme vous êtes au plus profond des miennes. De Viuiers (Viviers?) ce jour de la mi-août 1581.
Bref discours
Que l'excellence de la femme surpasse celle
de l'homme, autant récréatif que
plein de beaux exemples.
Nous avons bien souvent à mépris une chose,
Ignorant la vertu qui est en elle enclose,
Faute de rechercher diligemment le prix
Qui pourrait étonner en après nos esprits.
Car comme un coq qui ne trouve une perle perdue
Ne sachant la valeur de la chose inconnue:
Ainsi, ou peu s'en faut, l'homme ignare ne sait
Quel est entre les deux sexes le plus parfait.
Il me plaît bien de voir des hommes la grandeur
Mais puis si nous venons à priser la valeur,
Le courage, l'esprit, et la magnificence,
L'honneur, et la vertu, et toute l'excellence
Qu'on voit luire toujours au sexe féminin,
A bon endroit nous dirons que c'est le plus divin.
Quelqu'un plein de dépit, tout coleré de rage
Dira que je fais mal de tenir tel langage,
Et dira que la femme est remplie de maux,
D'inconstance et d'erreur sur tous les animaux.
Quant à moi je sais bien qu'entre nous femmelettes
On peut humainement trouver des fautelettes
Mais cela ne fait pas que ne soit dû l'honneur
A la femme qui est pleine de tout bonheur,
Chasse-mal, chasse-ennui, chasse-deuil, chasse-peine
L'assuré réconfort de la semence humaine.
Si l'on veut balancer selon les saintes lois
Des hommes les péchés, d'un équitable poids
Bientôt on trouvera que la juste balance
Contre l'homme don'ra très juste sentence,
Pour prouver la grandeur je prends premièrement
De sa formation mon premier argument.
La matière de chair est-elle pas plus belle
(Dont ce corps féminin fut bâti sans modèle
Suivant le saint vouloir du vrai jupin tout bon)
Que n'est celle qui fut formée du limon?
Sans douter il y a en l'une d'excellence
Plus qu'en l'autre n'y a de vertu ni puissance.
Et comme le Soleil et les luisants flambeaux
Qui brillent dessus nous, comme tous animaux,
La nourricière terre, et comme le Ciel même,
Bref tout ce qui fut fait de la main su Suprême
Devant l'homme mortel n'est point si précieux
Que l'homme est sur cela beaucoup plus glorieux:
Tout ainsi la femme est dessus l'homme plus digne
Comme chef d'oeuvre au vrai de la vertu divine.
Aussi quen Jupiter la voulut égaler
Aux Citadins du Ciel les Dieux fit appeler
Afin que chacun fit offrande de la chose
Qu'il tenait dedans soi plus secrète et enclose.
Qui lui dona les mots d'un parler gracieux,
Qui lui quiita ses rais pour lui former les yeux,
Qui laissa son pouvoir et qui son abondance,
Qui donna son honneur, qui donna la prudence.
Quelle langue pourra leurs mérites vanter?
Quelle voix pourra donc leurs louanges chanter?
Quelle plume ôsera laisser à la mémoire
De leurs braves esprits la non-pareille gloire?
Esprits vraiment constants en toute adversité,
Et non à tout moment comme l'autre irrité.
Si l'on veut bien regarder de près toutes les choses
Qui sont divinement dedans elles encloses,
Argus n'y verra rien entre tant de vertus
Desquelles ces feuillets seront en bref vêtus,
Car de vouloir parfaire un si hautain ouvrage
Mon bas style predrait la force et le courage.
Qu'on ne me vante plus les hommes les combats,
Qu'on ne me chante plus la force de leur bras,
Hé quel homme ôsera fût-il grand Capitaine
Parier sa vertu à la Camillienne?
Camille qui jadis fut pleine de valeur
En prouesse et conseil du monde seul honneur...
Paix je ne trouve
(imité de Pétrarque)
Paix je ne trouve, et ne puis faire guerre,
J’espère et crains, je brûle, et je suis glace,
Rien je n’étreins, et tout ce rond j’embrasse,
Je vole au ciel, et si je suis en terre,
Je suis captif et si rien ne m’enserre,
Enrété suis et rien ne m’entrelace,
Rien je ne veux et si j’aime la face
De celle-là sur toutes qui m’enferre,
Je vois sans yeux, sans coeur me convient vivre,
Le deuil me paît, le plaisir me veut suivre,
Je veux périr, l’aide le coeur m’enflamme,
Autrui me plaît, et moi-même m’ennuie,
Également veux la mort et la vie,
En tel état je suis pour vous ma dame.
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