Roussel (Emma) 1899-1952
Emma Roussel
1899-1952
Poétesse-institutrice liée à la commune de Sauges (Haute-Loire)
Consulter la page de feecekitleplay qui traduit une intense activité associative autour de cette poétesse.
Domaison
Une route, une croix, des peupliers en file
Deux fermes accouplées, s'ouvrant sur un chemin
Un semblant de châtreau que domine un sapin
Une eau claire, et voilà Domaison-la-tranquille.
Dans un creux verdoyant, on découvre un moulin;
Près de l'écluse un toit où l'on tisse et l'on file;
Dans les vergnes, là-bas, du pont l'unique pile
Plongeant dans l'eau riante et dans le sable fin.
Et pour agrémenter le charmant paysage
Des troupeaux que conduit un gamin du village,
Rêveurs, passent le gué menant aux prés herbeux,
Tandis que le meunier dans sa fruste charrette,
Du long bout de son fouet excite un peu la bête
Et revient au moulin par les sentiers pierreux.
(Emprunté à la page du "Blog du lézard")
Sombres débuts
octobre 1918
Par un matin pluvieux d'automne tu partis.
Septembre faisait place à l'octobre tout gris.
Ton pauvre mobilier et la malle proprette
S'en allaient, cahotés aux flans d'une charrette.
L'école était perdue en un lointain hameau.
Les chemins étaient durs, embourbés et pleins d'eau.
Tu laissais ton regard errer sur la bruyère,
Sur les champs détrempés, les grands bois, la rivière
Pris dans les rais ténus d'un maussade brouillard.
Au bruit de la voiture, on vint de toute part.
Tu vis le seuil désert et feutré d'herbe folle.
Tu poussas le portail, pénétras dans l'école.
Partout, le précédant, l'odeur des mois passés,
Odeur de logis mort et d'objets dispersés!
Sur les vieux murs, couraient de vertes moisissures;
Tu passas en revue et placards, et serrures
Et lorsque tu fus seule aux approches du soir,
Tu te pris à pleurer. Dans le corridor noir
Un frisson de frayeur te parcourut l'épaule:
Cette sombre maison te semblait une geôle!
De tes jours, dévidant le mystérieux fil,
Une main t'avait mise au chemin de l'exil.
Je te vois en hiver dans le rond de la lampe.
De la cloison lépreuse, une ombre émerge et rampe;
Une souris trottine au ténébreux pllafond;
A la vitre éborgnée où s'ajuste un carton,
Un fin grésil s'abat et, musicien, tapote;
Et le vent s'engouffrant sous la toiture haute
Complète le sinistre et glacial concert,
En se coulant au creux du long chemin de fer.
Tes doigts vont noircissant la feuille où tu te penches
Et le froid de la nuit fait tes deux mains plus blanches.
De cendre emmitouflé, l'âtre rêve et s'endort.
Tu veux finir la page et tu restes encor.
La rafale en courroux tord les arbres d'en face.
Sur la neige durcie, un pas vient, puis s'efface.
Ta fenêtre est un point, quelque chose qui luit,
Un rectangle vivant découpé dans la nuit.
Et je songe au poète en sa triste mansarde!
Et l'âme qui, dehors, par ce temps se hasarde,
Se dit, te devinant, humble petit cerveau:
"L'institutrice veille et travaille là-haut!"
(Emprunté à la page du blog feecekitleplay)
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