Salm-Dick Constance-Maris (Princesse de)
Constance-Marie (Princesse de) Salm-Dick
(1767-1845)
Nombreuses épîtres
Défend la cause des femmes en ce qui concerne la création littéraire.
(Je puis bien être un homme aussi)
Tu n'es pas juste, ami, lorsque tu blâmes
Mon vers philosophique et mon ton réfléchi
Qui, dis-tu, ne sied pas aux dames.
Je sais que les transports, les amoureuses flammes,
Les langueurs d'un tendre souci,
Semblent mieux convenir à nos esprits, nos âmes;
Mais, lorsque sur ce point tant d'hommes sont des femmes,
Je puis bien être un homme aussi.
Sur les femmes politiques
Vous nous blâmez de parler politique,
En vérité, messieurs, vous avez tort;
Et laissant là tout esprit critique,
Je veux tenter de nous mettre d'accord.
Nous vous aimons, je me plais à le dire;
Tout entre nous est commun ici-bas:
Or, quand le coeur, le sentiment inspire,
Pourquoi les goûts ne se suivraient-ils pas?
Le bien public nuit et jour vous agite,
Vous régentez, vous réglez l'univers...
Ce qui pour vous est un si grand mérite
Peut-il pour nous être un si grand travers?
Boutade
sur les femmes auteurs
Qu'une femme auteur est à plaindre !
Juste ciel ! le triste métier !
Qu'elle se fasse aimer ou craindre.
Chacun suit la déprécier.
Est-elle simple et solitaire,
C'est, dit-on. affectation!
Veut-elle un instant se distraire,
Elle aime à se montrer, dit-on;
Tout ce qu'elle ose se permettre,
En mal on sait l'interpréter ;
Elle ne pont parler, chanter.
Sourire sans se compromet trop
Son silence blesse les sots,
Ses propos ne les touchent guère ;
Elle doit parler par bons mots,
Ou ne rien dire avec mystère.
Comme un animal curieux
Tantôt chacun la considère ;
Tantôt, une bégueule altière
Lui jette un regard dédaigneux.
Un raisonneur, qui chez lui brille,
L'accable de ses lourds propos,
Et la renvoie à son aiguille.
Après quinze ans d'heureux travaux.
Une mégère la provoque.
Et lui fait, d'un ton radouci,
Tout haut, un éloge équivoque,
Tout bas. un affront réfléchi.
Un piètre auteur entre chez elle.
Malgré son ordre très exprès.
Et partout va redire après :
Je viens de chez madame telle;
Nous avons {je le dis tous bas)
Parlé de sa pièce nouvelle,
Et mes conseils n'y nuiront pas.
Un poète blâme sa prose,
Un prosateur blâme ses vers ;
On lui suppose cent travers,
On imprime ce qu'on suppose ;
Sur elle on ment, on rit, on glose.
Aux yeux trompés de l'univers.
Joignez à ces tourments divers
Les gentillesses de la chose ;
Chansons, épigramme, pamphlet,
Menus propos des bons apôtres.
Et vous connaîtrez ce que c'est
Que d'être un peu moins sot que d'autres.
Les cinq actes de la vie
Le drame de la vie, hélas! est peu de chose;
Au drame de la scène on peut le comparer:
Jusques au dénoûment jamais on n'y repose;
Bien ou mal, pauvre ou riche, on doit y figurer.
Au premier acte on naît; avec peine on s'avance
A travers mille écueils vers un but ignoré.
Au second, on s'éclaire, on pressent l'existence;
A de vagues désirs on est déjà livré.
Au troisième, emporté par une aveugle ivresse,
Par le monde, l'amour, les renaissants plaisirs,
On ose, on brave tout, on s'égare sans cesse,
On s'apprête souvent d'éternels repentirs.
Au quatrième, las des vaines jouissances,
Le coeur d'autres besoins, d'autres feux se remplit:
L'orgueil, l'ambition, leurs transports, leurs souffrances,
Viennent tout remplacer... cependant on vieillit.
Au cinquième arrivé, le corps, l'esprit s'affaisse;
Chaque jour, chaque instant voit briser un lien;
On pense, on parle encor...mais la toile se baisse;
Le spectacle finit, et l'homme n'est plus rien.
La coquette
De la nature bienfaisante,
Eglé reçut tous les présents;
Finesse, esprit, grâce touchante,
Air noble et doux, gaîté, bon sens;
On est frappé par sa figure,
On est séduit par son regard;
Mais elle sait, à force d'art,
Gâter les dons de la nature.
Sa taille est souple et délicate,
Un corps la gêne et la raidit;
Sur son beau teint la rose éclate,
Un fard imposteur la ternit;
Son pied souffre dans sa chaussure;
Des cheveux cachent ses cheveux;
Que de peine et de soins, grands dieux!
Pour défigurer la nature!
Son attitude est composée,
Sa robe drape ses appas;
Si sur vous sa main s'est posée,
C'est pour faire briller son bras.
Pour développer sa figure
Elle lève les yeux au ciel;
Et l'air qu'elle croit naturel
Est l'opposé de la nature!
Chante-t-elle! sa voix sonore
Choque par de trop grands éclats;
Danse-t-elle! C'est Terpsichore,
Mais calculant ses moindres pas:
D'une sensibilité pure
Elle aime à vanter le tourment,
Mais c'est toujours en minaudant
Qu'elle parle de la nature.
Douce et bonne autant que jolie,
Elle est méchante par bon ton;
Elle se lève, elle s'écrie.
Pour attirer l'attention;
Enfin, beauté, talents, lecture,
En elle, tout brille et déplaît:
Ah! pour plaire, il n'est qu'un secret,
Et c'est celui de la nature.
Epître aux femmes
(provisoire sous cette forme:
revoir le découpage)
Ô femmes, c'est pour vous que j'accorde ma lyre ;
Ô femmes, c'est pour vous qu'en mon brûlant délire,
D'un usage orgueilleux, bravant les vains efforts,
Je laisse enfin ma voix exprimer mes transports.
Assez et trop longtemps la honteuse ignorance
A jusqu'en vos vieux jours prolongé votre enfance ;
Assez et trop longtemps les hommes, égarés,
Ont craint de voir en vous des censeurs éclairés ;
Les temps sont arrivés, la raison vous appelle :
Femmes éveillez-vous et soyez dignes d'elle.
Si la nature a fait deux sexes différents,
Elle a changé la forme, et non les éléments.
Même loi, même erreur, même ivresse les guide ;
L'un et l'autre propose, exécute ou décide ;
Les charges, les pouvoirs entre eux deux divisés,
Par un ordre immuable y restent balancés.[...]
Mais déjà mille voix ont blâmé notre audace ;
On s'étonne, on murmure, on s'agite, on menace ;
On veut nous arracher la plume et le pinceau ;
Chacun a contre nous sa chanson, ses bons mots ;
L'un, ignorant et sot, vient, avec ironie,
Nous citer de Molière un vers qu'il estropie ;
L'autre, vain par système et jaloux par métier,
Dit d'un air dédaigneux : Elle a son teinturier.
De jeunes gens à peine échappés au collège
Discutent hardiment nos droits, leur privilège ;
Et les arrêts dictés par la fatuité,
La mode, l'ignorance, et la futilité,
Répétés en écho par ces juges imberbes,
Après deux ou trois jours sont passés en proverbes.
En vain l'homme de bien (car il en est toujours)
En vain l'homme de bien vient à notre secours,
Leur prouve de nos cœurs la force, le courage,
Leur montre nos lauriers conservés d'âge en âge,
Leur dit qu'on peut unir grâces, talents, vertus ;
Que Minerve était femme aussi bien que Vénus ;
Rien ne peut ramener cette foule en délire ;
L'honnête homme se tait, nous regarde et soupire.
Mais, ô dieux, qu'il soupire et qu'il gémit bien plus
Quand il voit les effets de ce cruel abus ;
Quand il voit le besoin de distraire nos âmes
Se porter, malgré nous, sur de coupables flammes !
Quand il voit ces transports que réclamaient les arts
Dans un monde pervers offenser ses regards,
Et sur un front terni la licence funeste
Remplacer les lauriers du mérite modeste !
Ah ! détournons les yeux de cet affreux tableau !
Ô femmes, reprenez la plume et le pinceau.
Bibliographie
Sapho (1794): tragédie lyrique, musique de Martini
Epîtres à Sophie (1801)
Epître aux femmes (?)
Epître à un jeune auteur sur l'indépendance et les devoirs de l'homme de lettres, 1806
Epître sur la rime, 1812
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