Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Sandelion, Jeanne (1901-1976)

Jeanne Sandelion

1899-1976

Lien vers une page incontournable qui lui est consacrée sur un site "Montherlant" 

La Muse Française: 1 janvier 1939

 

 Recueils de poèmes selon 

Norbert Darreau (Librairie ancienne)

1923: Les coeurs en peine

1927: La vie et moi

1924: Le pollen des choses

1934: Azur 1924-1934

1936: L'année sentimentale

1939: D'un amour vivant

1939: D'un amour tué

Sans date (1955?): La vie en rouge

1947: Pour un enfant perdu

1953: Enfant de paix

1958: Pour maman disparue 1948-1958

1963: Stèle

Sans lieu ni date (1963?): Il reste la douleur

1971: C'est toujours le printemps

1975: Merci du monde

 

Marcel Béalu signale aussi "Matines"

 

   On ne retient aujourdhui de l'oeuvre de Jeanne Sandelion  que la dimension épistolaire et autobiographique, mais elle est d'abord poète, comme le prouvent l'état de sa bibliothèque et la liste de ses oeuvres. Sa relation avec Montherlant occulte sa créativité. Voici quelques-uns de ses nombreux poèmes. 

 

Miroir

 

Tu m'aimes, je suis ton miroir,

et je ne veux être autre chose,

Flambe ton feu, naissent les roses,

au bord de ce lac pur et noir.

 

Dans ma tendresse sans rivages

où ta plongée a resplendi,

cherche cette éclatant image

que nul amour ne te rendit.

 

Une eau claire, une âme complice

se voue à servir ta beauté,

et tu peux, las d'elle, ô Narcisse,

y trouver encor le Léthé.

 

Mais je songe aux glaces fidèles

qui captent tes moindres reflets,

et je sais que moi tout comme elles,

nous ne te retiendrons jamais.

 

 

Pourquoi chercher

 

Pourquoi chercher à te comprendre

et me faire un peu plus de mal?

Sois-moi comme la brise tendre

et le délice musical.

 

Tu n'es pas de ceux qu'emprisonne

la logique ni la raison:

parle comme la cloche sonne

et comme embaument les saisons.

 

Que je sois enfin la complice

de l'absurde, roi dans ton coeur,

pour que ma volupté fleurisse

où devrait saigner ma douleur.

 

 

(Mon amour...)

 

Mon amour, c'est toi qui m'a fuie

et moi qui reste, cette fois;

tu vas vers ces lieux, vers ces toits

où se mêlèrent nos deux vies.

 

Dans ce paysage de brume

Que ta tendresse ensoleillait,

Tu marches seul, le long d'un quai,

et tu te souviens, je présume.

 

Nos haltes, le soir, sur les bancs,

Les capricieuses ruelles,

et ton amour d'étudiant,

et nos nuits douces et cruelles...

 

Iras-tu revoir le jardin

où sont les biches ennuyées,

Le cygne gonflé comme un sein,

et les marbres sous les feuillées?

 

Monteras-tu sur la colline

qui tient la ville sous ses pieds?

Y monteras-tu pour prier

ou baigner d'orgueil ta poitrine?

 

Fouleras-tu ces beaux chemins

mouillés, herbeux, qui t'enchantèrent,

tandis que la main dans la main,

nous allions au bout de la terre?

 

- Mais non, sentier, parc ni coteau;

tu n'iras pas, j'en suis trop sûre...

Non, tu fuis vers un ciel nouveau:

je le devine à ma blessure.

 



 

 Poèmes publiés dans l'anthologie de Marcel Béalu

 

 

Toi qui soudain...

 

Toi qui soudain devins un autre

Que je n'avais jamais connu,

Quel infidèle a pris ta place

dans ton corps de grâce et de lait?

 

lequel dicte à ta bouche d'ange

ces mots amers et monstrueux?

Quel démon t'a rempli d'orage,

issu des mains fraîches de Dieu?

 

Où gît, où vit, dans quelle attente

d'un monde immense à recouvrer,

ce qui fut toi, ce coeur qui tremble

d'un tel amour désespéré?

 

Spectre léger, lis des ténèbres,

ton corps est ton propre tombeau;

ne peux-tu retrouver la brèche

de cette prison sans barreaux?

 

Quand tu rentreras dans ton être,

comme un voleur par la fenêtre,

l'intrus en sera-t-il chassé

et sauras-tu me reconnaître

 

moi qui n'aurai jamais changé?

 

Pour un enfant perdu

 

 

 

Chanson

 

Retrouver les fleurs de la terre

- ô passiflore, ô passerose! -

retrouver la beauté des choses

mais baigné d'une autre lumière

 

Retrouver le nid du matin,

le chant du soir, le vol de l'aube,

respirer la menthe et le thym,

tremper ses mains dans l'herbe chaude

 

comme autrefois, comme autrefois,

mais l'ivresse est une autre ivresse

Se peut-il q'on la reconnaisse

marquée au signe de la croix?

 

Draper la mante printanière,

vêtit la robe de l'été,

coiffer la fanchon de l'hiver

repétrie en la charité

 

Retrouver dans la nuit l'aurore,

- ô passerose, passiflore,

passe-fleur et passe-velours

- dans l'épi dur le grain d'amour.

 

Matines

 

 

Nuages

 

Que de portraits de toi j'ai vus dans les nuages!

Desbordes-Valmore.

 

Grands nuages ardents qui tremblez sur le ciel,

parlez-moi de son coeur qui frissonne et qui change;

de son esprit divin, de son orgueil cruel,

frère des éperviers et frères des archanges.

 

Comme aux Césars jadis les signes conjugués,

cieux remplis de prodige, annoncez-moi sa gloire!

Que les astres en choeur désertent la nuit noire

avant que soit son nom dans l'oubli relégué.

 

Navires de velours, berceaux pleins de mollesse

où les foudres enfants dorment avec douceur,

de la bonté qu'il eut pour sa petite soeur,

faites-moi souvenir - et souvenir sans cesse.

 

- Mais, nuages, seigneurs du fief de l'infini,

non, ne me parlez pas de son âme exilée;

car je n'ai qu'à baisser les yeux vers les vallées...

Je sais bien que la terre est étroite pour lui.

 

D'un amour tué.

 

 

Publiés sur le site 

monthernant.be

Sur ton absence

Sur ton absence je repose

comme abeille sur la fleur

et je me nourris d'une rose

vide d'arôme et de couleur...

 

Si peu de miel, tant de douleur !

 

 

Pâle fruit...

 

Pâle fruit d'un verger qu'épuise l'abondance,

tu m'offris ? Amitié, ta pulpe douce et fade

mais sur le grenadier, j'ai cueilli la grenade,

toute sang, chair et miel, et l'ai bue en silence.

 

Amour, robuste Amour, grappe de violence,

source qui jaillissez d'un jet pur, vos saccades

de cristal étouffant la plaintive roulade

d'une qui, frêlement, s'égoutte et ne s'élance,

 

vin ruisselant du roc et des pressoirs sauvages

et qui nous versez l'aube ou troublez la raison,

divin Amour, bouquet de sucs et de breuvages,

 

ne verrai-je jamais vos coupes sur ma table

et votre eau vive, au coeur secret de ma maison,

m'encenser en secret de perles délectables 

 

*****************************

 

Jeanne Sandelion par Chabaneix

(La Muse Française du 15 janvier 1938)

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Sur JLS Mâcon (30-04-2011)

Sandelion à Thoissey.jpg
 

 

 



06/11/2013
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