Sandy (Isabelle) 1884-1975
Isabelle Sandy
(pseudonyme d'Isabelle Dieudonnée Marie Fourcade, Madame Pierre Xardel
1884-1975
Consulter sur Gallica La revue "Le Domaine", 1933
Vision
Un violon chante dans la cour,
Chante l'amour, chante l'amour.
Un violon chante dans la cour
La rengaine de chaque jour...
Un violon sanglotte au dehors,
Chante la mort, chante la mort...
Un violon sanglotte au dehors,
Plus triste que le son du cor.
Tiens j'ai pleuré? Pourquoi, pourquoi?...
Le violon sanglotte, il fait froid...
Qui donc a mis mon coeur en croix!...
Ah! j'ai pleuré... pourquoi, pourquoi?
Est-ce pour l'amour ou la mort
Que chante ce violon dehors?
Ce pleur qu'une grimace tord
Est-il pour l'amour ou la mort?
Je les ai vus passer tous deux:
Front séraphique, front hideux...
Mais sous le même halo bleu
Je les au vus passer tous deux!
Un violon chante dans la cour,
Chante la mort, chante l'amour,
- La mort longue, l'amour si court...-
Un violon chante dans la cour.
Sommeil trouble
Je ne crois pas que les tombeaux soient si profonds
Que l'on n'y puisse entendre encor passer la vie,
A pas feutrés, comme passent les vagabonds
Devant la maison endormie,
Ou comme l'on entend dans le pâle matin
Silencieusement marcher un malade
Qui cherche le sommeil en vain.
Ah! je crains la nocturne et l'éternelle aubade
Que l'Humanité donne en piétinements sourds
A ces grands fatigués étendus sous la pierre,
Le baiser de la nuit épousant leur paupière...
Sans doute, délivrée alors de mes amours,
Avec ma pauvre chair répandue en poussière,
Je ne souffrirai plus ma plus grande douleur;
- Où sera-t-il mon coeur d'amoureuse et d'apôtre? -
Mais d'autres reviendront, là-haut, verser des pleurs,
Et j'aurai dans mes os la fatigue des autres!
L'amant
La foule aux cent regards, aux deux cents mains mouvantes
Qui modèle la gloire ou creuse les tombeaux,
La foule qui dira si mes vers furent beaux,
Si j'eus l'âme des dieux ou celle des servantes,
La foule au vaste front, plein d'avenir, qui tend
Vers moi son blanc miroir où la lumière coule,
La foule, bateau ivre, au flanc de l'océan,
Auquel j'ai confié ma destinée, la foule,
Elle a pour moi ce nom magnifique: l'amant!
Et quand certains jugeront folle ma solitude,
Fou l'orgueil de ma chair qui ne s'est pas donnée,
S'étonnent de me voir attachée à l'étude,
Et belle, et seule, et pauvre, aux genoux d'Athénée,
Je ris: c'est que le soir, ciselant un poème,
En un lieu triste et froid où personne ne m'aime,
Où je n'ai, pauvrement, que mon âme à donner,
J'ai senti sur ma tempe un laurier frissonner...
Tandis que s'avançait, puissant comme la houle,
Cet amant merveilleux et multiple: la foule!
Centenaire
O coeur qui ne s'est pas clos dans la connaissance,
- Science et foi, synthèse unique en son essence -
Coeur qui bondit vers Dieu avec tout ton savoir
Comme un aigle s'élance avec sa proie humaine
Vers les sommets abrupts que n'atteint pas le soir,
O coeur dont le double infini fut le domaine
Exploré dans la fièvre et l'épouvantement,
Coeur de Pascal qui sut être fier et dément
Dans l'amour de l'Esprit et de l'Inconnaissable,
Réchauffe à ta clarté ces hommes périssables
Qui n'ont ni le regret ni l'appétit de Dieu.
Pour moi j'implorerai tes effluves de feu,
Le goût voluptueux de dépasser la terre,
Coeur à moi, puisqu à tous les croyants solitaires...
Soleil
A Victor Emile Michelet
Mes aïeux paysans m'ont fait un coeur sauvage.
Nul être ne m'est cher comme la liberté.
Je bois un vin de flamme aux lèvres de l'été,
La caresse des vents m'exalte et me ravage.
J'ai senti le soleil couler au fond de moi...
( Ne parlez pas d'amour, pâles filles des hommes!)
J'ai senti le soleil se glisser en moi, comme
La semence des blés dans le vieux sol gaulois...
Il est né, de nous deux, quelques chansons humaines.
Je lui dois mon ardeur! Le démon qui me mène
Suit des chemins d'azur sur un quadrige d'or.
Mon appel dans le soir émeut comme le cor,
Et j'entends en échos, impériale aumône,
Tomber le cri strident, le cri d'amour d'un faune!
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Anthologie des Matinées Poétiques de la Comédie Française, Tome 2
Louis Payen, 1927
Bibliographie
- 1911 : L' Eve Douloureuse
- 1924 : Sauvageries
- 1960 : Angoisse
à suivre
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