Sasserno (Agathe-Sophie) 1810-1860
Agathe-Sophie de Sasserno
1810-1860
par Biscarra, (Musée de Nice, Wikipedia)
Nice
Consulter la biographie sur la page de Thierry Jan
Les Sylphides
Pleurs et sourires, 1852
Poésies françaises d'une italienne (1854)
Ore meste, Chants sur l'Italie
Pleurs et sourires, 1852
Anthologie des femmes-poëtes de la France (1856) de Blanvalet
Poésies françaises d'une italienne
La fleur du citronnier
O fleur de mon pays, douce fleur embaumée!
Ton parfum dans mon sein éveille une douleur;
Comme une voix aimée,
De tristesse et d'amour tu fais battre mon coeur.
J'ai cru respirer l'air de ma terre natale:
Ton souffle m'a rendu mes songes printanniers,
Blanche fleur virginale
Que je cueillais, enfant, sur nos verts citronniers.
Que de fois tes bouquets, arrondis en guirlande,
D'un père idolâtré ceignaient les cheveux blancs.
Fraîche et pieuse offrande,
Qu'un baiser déposait sur ses genoux tremblants.
Que de fois, effeuillant la corolle étoilée,
J'en livrais les débris aux flots tumultueux!
De ma vie isolée,
Pauvre fleur, tu m'offrais les destins orageux.
Viens-tu des bords chéris où j'ai puisé la vie?
Sur un sol étranger, proscrites toutes deux,
Tu t'inclines flétrie,
Et tu sembles chercher comme moi d'autres cieux!
Mon front décoloré, blanc comme ta fleur pâle,
A besoin d'aspirer un soleil plus ardent;
De la rive natale
Ensemble nous pleurons le sol indépendant.
Il nous faut cet air chaud de la brise marine,
Chargé d'âpres parfums, d'étranges voluptés;
Ce vent de la colline
Courant comme un baiser sur les flots agités.
Car nous, enfants ardents de la belle Italie,
Nous nous étiolons sous ce terne horizon;
Et la mélancolie
Comme un ver dans ta fleur troublerait ma raison.
Il nous faut l'ouragan, l'air libre, la tempête;
Nous mourons étouffés dans ce riant séjour.
Sur son sauvage faîte
L'aigle ainsi jette un cri de triomphe et d'amour.
Charge l'air de parfums: le vent à la patrie
Les portera, sans doute, à travers d'autres cieux.
Ma pensée attendrie
Ne peut-elle les suivre et s'enfuir de ces lieux?
Non nulle âme là-bas ne répond à mon âme.
Etrangère partout, ma vie est un désert;
Et ma fierté de femme
Etouffe mes soupirs dans un joyeux concert.
Je chante, et, comme toi, dans un parfum j'exhale
Ce doux trésor d'amour que Dieu m'a donné;
De ta fleur virginale,
Oui, je veux qu'en mourant mon front soit couronné.
Sur un sol étranger si l'on creuse ma tombe,
Que ton ombrage ami veille du moins sur moi!
Que ta feuille qui tombe,
O fleur de mon pays, me parle encor de toi!
La Poésie (1839)
3ème partie
La sainte poésie est cette voix intime
Qui vibre palpitante en nos seins éperdus;
Qui, s'éveillant en nous, nous jette un cri sublime,
Et sait nous élever à l'amour des vertus.
C'est un instinct brûlant d'épancher sa pensée;
C'est un ardent besoin dont on est consumé;
C'est un vague désir dont l'âme est oppressée;
C'est un feu dévorant qu'un souffle a rallumé;
C'est une douce voix qui chante dans notre âme,
Qui s'égaye à nos jeux ou s'attriste à nos pleurs;
C'est, à nos fronts ardents que la pensée enflamme,
Un baiser du zéphyr ou le parfum des fleurs.
Le poète a des chants d'amour et d'espérance
Qui bercent ses douleurs et l'élèvent au ciel.
Ainsi, le jeune enfant, oubliant sa souffrance,
S'endort au bruit plaintif du refrain maternel.
Ange consolateur, de la terre natale
Lui seul à 'exilé rapporte le rameau;
Et, du parfum d'amour que la patrie exhale,
Seul, il revient encore embaumer son tombeau.
Mais le poète ici cherche en vain son étoile!
Le monde méconnaît ses sublimes douleurs.
Aucun vent bienfaisant ne caresse sa voile.
Qu'importe si ses chants s'épurent à des pleurs?
Et que lui font à lui les malheurs et l'envie?
Laisse-le s'élancer vers la postérité.
Il méprise les biens qui troublent votre vie,
Car il a pressenti son immortalité!
Oreste me: Chants sur l'Italie (1846)
L'Arabe ou la nostalgie
Oh! rendez-moi l'air pur de nos vastes campagnes;
Hélas, je meurs dans vos cités!
J'ai besoin d'aspirer le parfum des montagnes
Chargé d'ardentes voluptés.
Oui, je meurs étouffé dans vos fêtes brillantes,
Vos bals et vos joyeux concerts
Valent-ils la splendeur de mes nuits scintillantes,
Maz solitude et mes déserts?
Dans vos salons dorés, je rêve nos tempêtes,
L'Aigle a besoin de l'ouragan;
Vous payez vos chanteurs, moi, j'avais dans mes fêtes,
Le murmure de l'Océan;
Libre comme le vent qui dévaste la plaine
J'errais au gré de mes désirs:
Dans vos étroits salons l'étiquette m'enchaîne,
Je pleure au sein de vos plaisirs;
Ah! rendez-moi le ciel de ma patrie absente,
Je languis dans ce lieu fatal;
Je m'y sens dépérir de cette fièvre lente
Dont on meurt loin du sol natal.
Sous ce terne soleil le froid glace mes veines,
Il me faut un air plus ardent;
De factices attraits vos femmes sont trop vaines
Pour mon amour indépendant.
Oh! quand pourrai-je encor dans mon désert aride
Rencontrer la vierge à l'oeil noir,
Qui, tremblante d'amour comme le daim timide,
Levait son voile pour me voir!
Rendez-moi, rendez-moi la plaine où sans entraves
Volait mon coursier indompté,
Car j'appelle toujours dans vos cités esclaves
le désert et la liberté!
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