Smet (Germaine de) 1888-...?
Germaine de Smet
1888-...?
Les cygnes
Les cygnes vont, semant des plumes,
Ici, là, partout sur l’étang.
Des rêves sortent de la brume
Au cours léger des matins blancs.
Ici, là, partout sur l’étang,
Fiers d’eux-mêmes les cygnes passent.
Au cours léger des matins blancs
Des rêves naissent et s’effacent.
Fiers d’eux-mêmes, les cygnes passent
Beaux comme des âmes d’élus,
Des rêves naissent et s’effacent,
Des rêves qu’on ne vivra plus.
Beaux comme des âmes d’élus,
Les cygnes dorment sur l’eau claire.
Les rêves qu’on ne vivra plus
Les pétales jonchent la terre !
Les cygnes dorment sur l’eau claire ;
Ils vont mourir ayant chanté.
Les pétales jonchent la terre
Les rêves fuient vers la clarté.
Ils vont mourir, ayant chanté ;
Ils sont partis sans amertume.
Les rêves fuient vers la clarté ;
Les cygnes vont laissant des plumes !
Vision
Je la vois petite, assise au coin du feu.
Il fait très bon, très clair, la porte épaisse est close
Comme pour empêcher le bonheur – menu dieu –
De Déserter. Elle est brune, sa robe est rose,
Elle a de très grands yeux où passe par moments,
Un rêve qui fait peur comme un pressentiment.
Elle chante en riant sur de vagues images,
Elle est la grande soeur un peu grave déjà,
Racontant le vieux livre au hasard doux des pages
À la petite sœur qui ne comprend pas.
La poupée qu’elle tient n’est jamais sa poupée ;
Elle pleure les fleurs et les herbes coupées...
Elle a peur de demain et grandir lui plaît peu.
Le monde et son bonheur ne font qu’un dans la chambre
Où gisent ses jouets, et où, gaîment, le feu,
Promène ses rayons couleur d’aurore et d’ambre,
Le chien très calmement dort à ses pieds et rêve.
Dehors, la mer câline, en chantant, bat la grève...
C’est l’instant, où, le soir revient avec la paix
Et rôde aux jardins nus que l’hiver long attriste.
Elle ignore le mal et déteste le laid ;
Pour elle un seul chemin, le droit, le haut, existe...
Bien que mignonne et douce avec de grands yeux bleus,
Elle aime ce qu’elle aime et veut ce qu’elle veut...
Ce soir, je la vois vieille, elle a des cheveux blancs
La vie, comme une mer, sépare ses deux âges.
Elle a bercé parfois, entre ses bras tremblants,
Des enfants... pas les siens... partis vers d’autres plages.
Elle ne chante plus s’étant cassé la voix,
La maison, autour d’elle est vide comme un bois...
Le feu seul est le même et flamboie et crépite.
Avec la joie d’antan, tout rouge, il éblouit...
Le vent sanglote. Au loin les courlis passent vite,
Cependant que le cœur isolé s’enfouit
Dans sa solitude, et que, pensivement, l’heure,
Sonne comme autrefois dans l’austère demeure...
Je la vois se lever, distraite par le chien...
En bas on a marché,.. La maison n’est point vide !
J’ai rêvé... J’ai rêvé, mon Dieu, ce n’est donc rien !
Elle est jeune toujours... elle n’a point de rides –
Elle est forte et encor peut vouloir et lutter
Et créer et jouir et sourire et chanter ?
Le miroir me renvoie une sereine image,
La sienne. Elle est debout et ses cheveux coupés
Font comme une auréole autour de son visage.
Je rejette aux là-bas, les temps anticipés
Où les chagrins viendront, où le vent, comme une âme,
Sanglotera dans l’âtre incolore et sans flamme.
Quinze ans de poésie française à travers le monde,
Anthologie internationale,
textes rassemblés par J. L. L. d’Arthey,
France Universelle, 1927.
(repris sur Biblisem)
(Je ne sais quoi...)
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