Suze (Henriette de la) 1618-1673
Henriette de la Suze
(1618-1673)
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Pièces galantes seconde partie
Sur un gros poète
Epitaphe
Passant, révère ce Tombeau,
Qui contient l'esprit le plus beau
Qui parut jamais en lumière,
Admire en même temps l'Auteur de l'Univers,
Cet homme qui donna la forme à tant de vers,
En est devenu la matière.
....
Savez-vous bien que je vais faire
La gazette de mon amour?
Vous n'y trouverez rien qui ne soit véritable,
Pour tout autre manquez de créance et de foi;
Mais en ce que je dis, je dois être croyable,
Puisque tout se passe chez moi.
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Comme Ovide le dit, tout amant est soldat;
Et si cette maxime est crûe,
La belle Iris a pu sans attentat
Faire passer ses troupes en revue.
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Fin d'une Elégie (1698)
pdf Gallica, p.19
Je viens, cruelle Iris, les yeux baignés de larmes,
Me jeter à vos pieds et vous rendre les armes:
je viens, malgré les maux que j'ai déjà soufferts,
Rentrer dans vos prisons, me remettre en vos fers,
Endurer les rigueurs de mon premier martyre,
Suivre vos dures lois, mourir sous votre empire,
Et vous faire paraître un cuisant repentir
D'avoir insolemment essayé d'en sortir.
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Je voulus vous quitter pour éteindre ma flamme
Et le (dépit) à tel point sut aveugler mon âme
Que je crus, loin de vous, trouver quelques appas
Et ppouvoir vivre heureux où vous ne seriez pas.
Ainsi donc pour guérir de mon ardeur cruelle,
Je me laissai conduire à ce guide infidèle:
Et d'un visage triste abandonnant ces lieux,
Je tâche à divertir mon âme par les yeux.
.........................
Mais hélas! (c)les objets à mes yeux présentés,
Bien loin, aimable Iris, d'effacer vos beautés,
Vinrent par leurs attraits en rafraîchir l'idée,
Que malgré le dépit, mon âme avait gardée.
Bien loin de rencontrer en ce charmant séjour
Un asile à couvert des forces de l'amour,
Je ne connus que trop, admirant sa puissance,
Que j'étais en des lieux de son obéissance...
.........
Fuyons, criai-je alors, et nous sauvons ailleurs,
L'amour est dans ces prés, l'amour est ces fleurs.
Sur un mont sourcilleux et presque inaccessible,
Par les rudes sentiers d'une route pénible,
Fuyant de ces beaux lieux les dangereux appas,
Toujours triste et chagrin je conduisais mes pas.
Au sommet de ce mont un bois épais et sombre,
Sous des rameaux touffus cachait le frais et l'ombre...
...
Au travers des haliers et des vertes fougères,
Erraient les daims peureux et les biches légères,
Qui rentraient aussitôt dans le bois le plus noir,
Et que l'oeil incertain ne faisait qu'entrevoir.
Je voulus m'arrêter, pressé de lassitude,
Et goûter le repos dans cette solitude:
Mais hélas! je connus que pour les amoureux,
Encore plus que les prés, les bois sont dangereux,
Que l'ombre et le silence enflamment leur blessure,
Et que le vert lambris d'une forêt obscure,
Qui résiste aux ardeurs du bel astre du jour,
N'est pas impénétrable à celles de l'amour:
Je le vis le cruel qui dans ce lieu sauvage,
Avec son petit arc, faisait plus de ravage
Que Diane n'en fait dans toutes les forêts.
Rien qui se présentât, n'échappait à ses traits,
Les timides chevreuils, quoiqu'ailés par la crainte,
En avaient ressenti l'inévitable atteinte,
Le cerf bramait sans cesse, en son fort retiré,
D'un coup que dans son coeur l'amour avait tiré,
La tourte désolée et plaignant son veuvage,
Sur un triste rameau dépouillé de feuillage,
Par son chant langoureux exprimait son tourment,
Et remplissait le bois d'un long gémissement.
Je ne sais s'il me vit, mais au fond de mon âme,
Je sentis, belle Iris, descendre un trait de flamme,
Qui réveillant en moi votre doux souvenir,
Fit à mon coeur blessé pousser un long soupir.
Je sors de la forêt, et le long de la plaine
Je suis aveuglément le dépit qui m'entraîne,
Je traverse des champs, des îles, des déserts,
Des coteaux, des vallons, des fleuves et des mers,
Je passe en mille lieux pour soulager ma peine:
Mais de quelque côté que le dépit me mène,
De mon cruel tourment je sens toujours les coups;
Et ne puis m'éloigner de l'amour, ni de vous.
Ces prés, ces bois, ces fleurs, dont la vive peinture
Pare également le sein de la nature,
Ces monts impérieux, ces déserts écartés,
Ces fertiles vallons, ces superbes cités,
Ces verdoyants coteaux, ces jaunissantes plaines,
Ces fleuves orgueilleux, et ces claires fontaines,
D'un langage muet, me disent tour à tour:
Il n'est rien qui ne cède au pouvoir de l'amour:
Puis au fond de mon coeur retraçant votre image,
A l'envie l'un de l'autre, ils lui rendaient hommage,
Et disaient tour à tour, en lui quittant le prix,
Il n'est rien qui cède à la beauté d'Iris.
Ainsi je reconnus ma trop vaine entreprise;
Et l'erreur dont mon âme avait été surprise:
Ainsi je vis mon crime, et j'en eus telle horreur,
Que je pensai mourir de honte et de douleur.
Ainsi, cruelle Iris, je viens les yeux en larmes,
Me jeter à vos pieds et vous rendre les armes:
Ainsi, malgré les maux que j'ai déjà soufferts,
Je viens triste et confus me remettre en vos fers,
Endurer les rigueurs de mon premier martyre,
Suivre vos dures lois, mourir sous votre empire,
Et vous faire paraître un cuisant repentir
D'avoir insolemment essayé d'en sortir.
(Recueil de pièces galantes, vol. 1, page 19, pdf Gallica)
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Elégie II
Le Printemps rappelait les amoureux désirs,
Et brillait dans son Char poussé par les Zéphirs,
Suivi d'un douc concert, et couronné de rose,
Il exhalait dans l'air les parfums qu'il compose,
Et toute la Nature en un riche appareil
Languissait doucement dans les bras du Sommeil,
Quand la bergère Iris en rêvant à sa peine,
D'une mourante voix près les bords de la Seine,
Exprima par ces mots le feu qui l'animait,
Et qu'elle sentait mieux qu'elle ne l'exprimait.
Noires Filles des Nuits, douces et chères ombres,
Couvrez bien mon ennui de votre obscurité,
La douleur que je sens redoute la clarté,
Et si je vous fais part de mes peines secrètes,
C'est parce qu'on sait bien que vous êtes discrètes.
Ecoutez donc mon mal et plaignez mon tourment,
Je le veux consulter avec vous seulement.
Une douce surprise, un désordre agréable,
Par une émotion qui n'est point exprimable,
Allume un feu secret dans le fond de mon coeur,
Qui le touche et l'agite, et s'en rend le vainqueur.
C'est là que triomphant de mon âme asservie,
Il unit sa chaleur à celle de ma vie,
Et que par un excès qui m'est délicieux,
Il produit la langueur qui paraît dans mes voeux:
Mais parmi ce torrent de tourment et de flamme,
Je ne sais quoi de doux se coule dans mon âme,
Je trouve tant d'appas dans mon propre malheur,
Que je ne puis juger si c'est joie ou douleur:
Hélas! je n'en sais rien, toutefois il me semble
Que ce pourrait bien être et l'un et l'autre ensemble;
Et tout ce que j'en sais, c'est que j'ai vu Tircis;
Qu'avant que de le voir, j'avais moins de soucis,
Et que depuis ce jour, j'ai toujours eu dans l'âme
La peine, la douleur, la tristesse, et la flamme
Rien ne me divertit, je ne dors point la nuit,
J'aime la solitude, et le monde me nuit,
Je ne saurais penser qu'aux peines que j'endure,
Je prends même plaisir d'irriter ma blessure,
J'entretiens des pensers que je devrais bannir,
Je pousse des sanglots que je veux retenir;
Lorsque l'on parle à moi, je ne saurais rien dire,
Je rêve, je languis, je pleure, je soupire,
Au seul nom de Tircis je change de couleur,
Quand il est près de moi j'ai bien moins de douleur,
Sitôt qu'il est parti je ne suis plus la même.
D'où vient ce changement, n'est-ce point que je l'aime?
Ce Dieu que je fuyais a-t-il surpris mes sens
Et si ce n'est Amour, qu'est-ce donc que je sens
Voilà tous les tourments qu'on souffre en son empire,
Je le connaissais bien, mais je n'ôsais le dire,
Et mon coeur qui sentait ce beau feu s'élever,
Voulait bien le souffrir et non pas (l'auoiier?),
Il feignait d'ignorer le mal qui le possède,
De peur d'être obligé d'y chercher un remède,
Il fallait un secret du nom de son vainqueur,
De crainte d'alarmer la honte et la pudeur.
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