Tsvetaieva, Marina (1892-1941): Combien sont-ils tombés... Traduction:Olga Medvedkova
Marina Tsvetaieva (1892-1941)
Un grand merci à l'intention d'Olga Medvedkova, traductrice de Kandinsky, qui m'a signalé ce vertigineux poème de Marina Tsvetaieva et proposé sa propre traduction pour ce blog.
Combien sont-ils déjà tombés dans cet abîme
1913
Уж сколько их упало в эту бездну,
Разверзтую вдали!
Настанет день, когда и я исчезну
С поверхности земли.
Застынет все, что пело и боролось,
Сияло и рвалось.
И зелень глаз моих, и нежный голос,
И золото волос.
И будет жизнь с ее насущным хлебом,
С забывчивостью дня.
И будет все - как будто бы под небом
И не было меня!
Изменчивой, как дети, в каждой мине,
И так недолго злой,
Любившей час, когда дрова в камине
Становятся золой.
Виолончель, и кавалькады в чаще,
И колокол в селе...
- Меня, такой живой и настоящей
На ласковой земле!
К вам всем - что мне, ни в чем не знавшей меры,
Чужие и свои?!-
Я обращаюсь с требованьем веры
И с просьбой о любви.
И день и ночь, и письменно и устно:
За правду да и нет,
За то, что мне так часто - слишком грустно
И только двадцать лет,
За то, что мне прямая неизбежность -
Прощение обид,
За всю мою безудержную нежность
И слишком гордый вид,
За быстроту стремительных событий,
За правду, за игру...
- Послушайте!- Еще меня любите
За то, что я умру.
Traduction par Olga Medvedkova
Combien sont-ils déjà tombés dans cet abîme
Creusé à la frontière !
Le jour viendra quand je disparaîtrai de même
De la face de terre.
Se figera tout ce qui chantait en ivresse,
Rayonnait, impétueux,
Le vert de mes yeux et la voix de ma tendresse,
Et l’or de mes cheveux.
Et il y aura la vie et son pain essentiel,
L’oubli de la journée.
Il y aura tout comme si sous ce pauvre ciel
Je n’avais pas été !
Comme un enfant changeant dans chacune des mines,
Si brièvement grognon,
Aimant cette heure quand le bois dans la cheminée
Se transforme en charbon.
Cavalcades sylvestres et le violoncelle,
La cloche du village…
Il n’y aura plus de moi, si vive et réelle,
Sur ces tendres rivages !
À vous, vous tous – pour moi, ignare des distances,
Chacun proche à son tour ! –
J’adresse l’exigence de confiance,
Prière de l’amour.
De jour comme de nuit, en parole et en prose,
Pour un oui, pour un non,
Parce que très souvent – je suis si malheureuse –
Parce que j’ai vingt ans,
Parce que ma réponse inéluctable –
Le pardon des blessures,
Pour toute ma tendresse incomparable,
Et pour mon air trop sûr,
Pour la rapidité des faits qui s’évaporent,
Pour le faux et le vrai,
Écoutez-moi! Aimez-moi tous, encore,
Parce que je mourrai.
(Traduit du russe par Olga Medvedkova)
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