Vatry (Madame) 1682-1752
Madame Vatry
1682-1752
Inscriptions composées pour la ménagerie de Chantilly
Le Porc -Epic
Lorsque l'on me poursuit, je décoche mes dards:
En cela différent de la jeune Sylvie,
Qui ne lance ses doux regards,
Qu'afin d'être mieux poursuivie.
L'Ours
L'Ours, quand il veut, étouffe en embrassant;
Maints Courtisans en voudraient faire autant
Le Chamois
J'ai comme une fillette encor dans son jeune âge,
La peau douce, et l'humeur sauvage.
****
Parodie de la fable de La Fontaine, "Le Corbeau et le Renard"
Joli tendron sur l'herbette couché,
Laissait voir un charmant corsage.
Un jeune amant par ses yeux alléché,
Lui tint à peu près ce langage.
Eh, bonjour, charmante Isabeau;
Que vous avez d'appas! que votre corps est beau!
Avec ce parfait assemblage,
Si votre humeur n'est point sauvage,
Vous êtes le Phénix des belles de ces Bois.
A ces mots Isabeau ne se sent pas de joie;
Et soit par faiblesse, ou par choix,
Elle devient du jeune Amant la proie.
Le galant refroidi lui dit: mon petit coeur,
Sachez que tout conteur
Vit aux dépens de celle qui l'écoute.
Cette leçon déplit beaucoup sans doute.
Le tendron honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
Source: De La Porte: Histoire littéraire des femmes françaises, volume 3
Chanson faite à Liancourt
Sur l'air du "Pays de Cocagne
Où peut-on vivre heureux et tranquille
Sans chagrins et sans ennuis?
Où passer, dans un pays fertile
Jours paisibles, douces nuits?
Serait-ce dans paris la grand Ville?
Et lon lan la, ce n'est pas là
Qu'on trouve cela:
C'est dans un aimable asile.
Où trouver une parfaite image
De l'âge d'or tant vanté?
Clairs ruisseaux, bon air, gras pâturage,
Doux plaisirs et liberté.
dedans paris a-t-on cet avantage?
Et lon lan la, ce n'est pas là
Qu'on trouve cela:
C'est dans ce charmant bocage.
(p. 84)
Bouts-rimés
Il est une couronne, il est d'autres Lauriers
Qui sont plus permanents que ceux de nos Guerriers.
Le monde et ses attraits ne sont qu'une a Musette;
Ils ne méritent point l'estime de Lisette.
Que sont-ils devenus ces superbes Césars?
Le temps les a détruits comme leurs Etendards:
La parque anéantit le sceptre et la Houlette,
Et traite également la prude et la Folette".
Il faut de la vertu, de l' Intrépidité,
Pour jouir dans le Ciel de l' Immortalité.
Tout nous parle d'un Dieu: l'oiseau dans ses Ramages,
Chante son Créateur jusques dans les Bocages.
Source: Les Amusements de l'esprit et du coeur, tome 9, 1741
Oraison funèbre
de Quine,
chienne de Madame Vatry
Par sa maîtresse
(Les Amusements 1741, p. 371)
Quine n'est plus dans l'espèce canine!
On ne vit rien de plus charmant que Quine.
Quine au minois fin et joli,
Au corps mignon, doux et poli,
Qui faisait avec tant de grâce
Ses petits tours de passe-passe:
Pour obéir elle buvait
Du vin, tout autant qu'on voulait;
Ne prenait rien sur les assiettes,
Etait nette comme un denier,
Ouvrait elle-même la porte,
Faisait parfaitement la morte,
Apportait corbeille et panier,
Et des paquets aussi gros qu'elle,
Prenait ou bougie ou chandelle
Toute allumée entre ses dents,
Connaissait les honnêtes gens,
Caressait les amis: mais toute sa tendresse
Etait pour sa seule Maîtresse.
Vous donc qui, d'un air obligeant,
De me la remplacer avez quelque pensée,
Ne cherchez point à me faire un présent:
Quine jamais ne sera remplacée.
Epitaphe de Quine
par sa Maîtresse
En ce lieu Quine gît, deuxième de ce nom:
Elle eut de la beauté le plus parfait renom,
Elle en eut les défauts: altière et n'aimant qu'elle,
Sentiments trop communs à quiconque est fort belle,
Sa Maîtresse en souffrit, et ne l'aima pas moins.
Pour elle sa bonté fut égale à ses soins.
Passant, oserais-tu blâmer cette tendresse
Que lui conserva sa Maîtresse?
Quine avait ses défauts: eh quoi, se sais-tu pas
Que rien n'est parfait ici-bas?
Suivent 6 autres Epitaphes et une Apothéose écrites par des amis.
Réponse (à l'un d'entre eux)
Quine peut nous donner une leçon fidèle
De ce que fait l'Amour quand il est écouté.
Si Quine eût à ce Dieu toujours été rebelle,
Elle serait encor en parfaite santé.
Réponse de madame Vatry
à l'épître que Quine lui écrit des Champs-Elysées.
Ton épître, ma chère Quine,
M'a surprise agréablement:
Tu conserves du sentiment
Au Royaume de Proserpine.
Charmante petite Machine,
Je te cherche à chaque moment;
Et je hais la gent médecine
Qui, par sa méthiode assassine,
Te conduisit au monumenbt,
Te donnant pour médicament
Ce qui conduit assurément
Chaque femelle à sa ruine.
Te voilà donc au lieu charmant
Destiné pour les Héroïnes!
Puisqu'en ce séjour tu domines,
Traite Cerbère sur le ton
Qu'ici tu traitais Mirliton.
Fuis tout Amant: c'est une peste
Dont l'approche est toujours funeste:
Tu le sais trop. S'il est là-bas
Quelques Catons de ton espèce,
Malgré tout leur air de sagesse,
De t'y fier ne risque pas:
Il est partout des précipices,
L'Amour a des traits de malices
Qu'on ne saurait trop prévenir.
Mais cette épître doit finir:
Un tendre soupir la termine,
Adieu te dis, ma chère Quine.
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