Vidampierre (Comtesse de) vers 1770
Comtesse de Vidampierre
Mélanges de Poésie et de prose, 1777
Les baisers de la Nature
Dans la douleur et dans les larmes
Je venais de passer la nuit;
Mes fils devinent mes alarmes:
Près de moi l'amour les conduit.
L'ainé, que l'âge rend timide,
Avec respect baise ma main;
Mon front flétri par le chagrin,
De son frère plus intrépide
Reçoit un baiser enfantin;
Et ma fille, qui vient de naître,
Gravissant sur mon traversin,
Au-dessous d'un voile de lin,
Que sa bouche fait disparaître,
Imprime un baiser sur mon sein.
Quelle scène pour une mère!
Et quel instant pour le pinceau!
Dans ses ballets de caractère,
Jamais l'ingénieux Noverre
Ne dessina pareil tableau.
Dès lors mon esprit se rassure;
Je sens un baume à ma blessure;
Et baisant mon fils à son tour,
Je vois que, dans une âme pure,
Les doux baisers de la nature
Valent mieux que ceux de l'amour.
Vers à Madame la Comtesse de Beauharnais
Tes oeuvres sont sur ma toilette
Avec Ovide et Richardson;
A chaque instant ma main feuillette
Tes vers dignes d'Anacréon:
Et ta folâtre historiette,
Qui joint au bon goût d'Hamilton,
L'élégance de la Fayette
Et les grâces de Voisenon;
On m'assure, belle Comtesse,
Que Zoyle dans son courroux
Fronde ta plume enchanteresse;
Mais c'est ta gloire qui le blesse;
Du Sexe même qu'il caresse
J'observe que l'homme est jaloux;
Il n'aime en nous que la faiblesse;
N'écris point, ou rampe sans cesse,
Ils seront tous à tes genoux.
A mes enfants
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De nos malheurs, mes fils, j'ai tracé le tableau:
En vain depuis dix ans, j'en veux tarir la source,
Ils me suivront jusqu'au tombeau,
Et sans Dieu qui nous reste, ils seraient sans ressource.
Vous qui savez suspendre mes douleurs,
De qui j'attends le peu de fleurs
Que le temps répandra sur l'hiver de mon âge,
Infortunés enfants, quel est votre partage!
Vos vertus, dont tou m'offre une riante image,
Vainement au bonheur vous ont donné des droits;
Vainement vos aïeux ont élevé les Rois:
Les besoins et les maux seront votre héritage;
Mais s'il vous reste du courage,
Si malgré vos revers, vos âmes sont à vous,
Si vos loisirs sont les loisirs du sage,
Votre infortune encor peut faire des jaloux.
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