Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

X (Années 20)

X

Identité inconnue

(Années 1920)

 

Voir le site de Sabine Huet

 

- Chansons pour Elles, 1923

 

 

Danse claustrale

 

Mes soeurs avez-vous entendu

S'éteindre doucement les roses

Dans un grand soupir éperdu?

 

Avez-vous, dans le coeur des choses

Entendu le doux glas des roses?

Leur avez-vous dit l'adieu dû?

 

Avez-vous, mes soeurs, entendu

Nos larmes et le glas des choses

Pleurer avec la mort des roses

 

Tous les baisers qui ne sont plus...

 


 

Tridumai

 

Trois comme la charité et trois comme la Parque,

Riant avec vos yeux, vos lèvres, vos chairs toutes

Ressemblant aux Destins à l'aurore et qui doutent

Qu'aux rives de leurs jeux surgisse au soir la barque,

 

Vous attendez, ô Soeurs, on ne sait trop quel mythe,

Quel fabuleux Héros, quel dieu ou quelle femme,

Et c'est pourquoi par tous vos pores, rit votre âme

Avec l'intensité multiforme des rites.

 

O Triple-unique Jeune Fille, quel sera-ce

Celui qui portera l'arc de l'Enfant cynique?

La mer chante d'amour au long des pentéliques

Et vos doigts, sous l'eros qui monte en vous, s'enlacent...

 

Puis à travers l'émoi multiforme des rites,

Attendries à l'espoir et riant à l'attente,

Vous dansez pour l'Amour inconnu qui vous hante

Et qui fera de vous la parque ou la Charité.

 


Tanagréennes

 

Moi la cruche à la hanche et toi l'urne à l'épaule

Si tu veux nous irons en devisant, à l'heure

Où chaque seuil brûlant dort à chaque demeure,

Vers la source pour y puiser à tour de rôle.

 

Nous monterons dans le chemin l'une après l'une;

Je rythmerai mon pas d'après le son du tien;

Si quelque écho de pas étranger nous parvient,

Ce sera d'un Sylvain que le nôtre importune

 

Ou qui, nous voyant deux, nous suivrait, incertain.

Viens. Nous verrons, dans la fontaine, nos yeux peints.

Nous chercherons nos dents, entre nos lèvres, blanches.

 

Puis rechargeant d'un geste lent nos deux fardeaux,

Toi la cruche à l'épaule et moi l'urne à la hanche,

Nous irons devisant de vous, nos corps très beaux.

 


 

(Et tu pleures...)

 

Et tu pleures avec moi, Mélanthis au pied double,

Le sort joyeux de nos mères, ô Mélanthis!

 

Hélas sur nous, qui n'avons point connu les gais cortèges,

Bacchus avec Silène et tous les grands satyres!

 

Nous contenterons-nous avec les boucs? Mais rien

N'habite plus, qui soit divin, le mari de la chèvre,

 

Et les cornus regagnent le soir leurs étables.

En vérité, la paresse des hommes a regagné les bêtes,

 

Et ton sang et le vin, ô Bacchus l'ont séché

En la grappe et dans les artères de la vie.

 

Alors Mélanthis, toutes deux filles de la même mère

Et habitées d'une même mélancolie,

 

Ivres du regret nous irons ensemble au long des montagnes

Faire entre les troncs des vieux arbres

 

Errer les dernières Faunesses...

Parfois, à l'heure de midi, trop douloureuses

 

D'appels inécoutés à l'Eros inconnu,

Nous recréerons l'une après l'une

 

Et l'une pour l'autre

Tous les jeux préférés de Silène et des Faunes.

 


 

 (O mollement enlace...)

 

O mollement enlace à ton corps ma pensée

Dans la nuit descendue et le parc expirant

Pour la danse lascivement accoutumée

Et berçons-nous dans un tango agonisant.

 

Une supplique occultement occidentale

Des banjos répétant angoissément leur ut

Imprime ses frissons sur la nuit musicale.

Laisse couler tes pleurs mystiquement sans but...

 

Enlace ta chair de paresse à ma pensée;

Penche-toi sur ma joue et tangue abandonnée...

Moi, dans la mort du rêve à force de langueur,

 

Je ne suis plus que votre corde exaspérante,

Banjos de ce soir-ci qui pincez sur mon coeur,

Goutte à goutte, votre ut de douceur torturante...

 




25/09/2011
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